Étiquette : Traduction de l’anglais


  • Arun Kolatkar | La Pause déjeuner de l’homme aux rats


    THE RAT-POISON MAN’S LUNCH POISON
    (extract)




    The woman pours some water from a mug
    for the man to wash his hands in the thali,

    which produces a passable drum solo,
    to act as a coda to one man’s lunch.

    They both get up; he says something to her,
    pats her affectionately on the bottom

    as she bends to pick up the sloppy thali
    and he turns away to reclaim his poster;

    and holding it before him like a shield,
    is ready, once again, to face the world,

    happy, once again, as wouldn’t be,
    with a singular truth to hide behind.








    LA PAUSE DÉJEUNER DE L’HOMME AUX RATS
    (extrait)




    La femme verse de l’eau au-dessus du thali*
    pour que l’homme se lave les mains

    et déclenche un solo de batterie passable
    qui clôt en fanfare le one-man-show.

    Ils se lèvent de concert, il lui dit quelques mots,
    lui donne une tape affectueuse sur le derrière

    alors qu’elle se baisse pour prendre le plat huileux,
    puis se détourne pour récupérer son affiche,

    la brandissant comme un bouclier
    et il se tient prêt, une fois encore, à affronter le monde,

    heureux, une fois de plus, on le serait tous à sa place,
    de s’abriter derrière une vérité unique.



    Arun Kolatkar, « La Pause déjeuner de l’homme aux rats », 6, Kala Ghoda. Poèmes de Bombay [Kala Ghoda Poems, 2004, 2006], édition bilingue, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard (n° 487), 2013, pp. 294-295. Préface de Laetitia Zecchini. Traduction de l’anglais (Inde) par Pascal Aquien et Laetitia Zecchini.



    _____________________
    * thali : repas comprenant plusieurs plats servis sur un plateau en métal.





    Arun Kolatkar





    ARUN KOLATKAR


    Arun Kolatkar portrait
    Ph. Tous droits réservés
    Source





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Kala Ghoda. Poèmes de Bombay
    → (sur La République des livres)
    Du plaisir de traduire Arun Kolatkar, par Laetitia Zecchini





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  • Henri Cole, Paris-Orphée (extrait)



    PARIS-ORPHÉE
    (extrait du chapitre X)




    DANS L’ANTIQUITÉ, LES GRECS assimilaient les lèvres enduites de miel au don de l’éloquence. Pindare, le poète lyrique de Thèbes, avait été piqué à la bouche par une abeille, disait-on, alors qu’il était encore jeune homme, ce qui a fini par expliquer son talent. Horace, le chef de file de la poésie à l’époque romaine d’Auguste, se comparait dans ses odes aux abeilles du mont Matinus en Apulie, son lieu de naissance, où sur les collines arides elles butinaient le thym, les arbustes et les fleurs. Que les abeilles aient fabriqué elles-mêmes le miel à partir du nectar n’était pas un fait admis à l’époque classique : on pensait qu’elles le cueillaient directement sur les fleurs et ne faisaient que l’enrichir des saveurs de leur cru.

    En France, les abeilles, symboles d’immortalité, étaient jadis un emblème des souverains. Napoléon les faisait broder sur ses habits impériaux et elles ornaient nombre de ses possessions. Nul doute qu’avec elles, la notion de royauté a son origine dans la nature, et nul doute que le royaume de la poésie n’est pas tellement différent de celui de la ruche.

    Certains poètes sont semblables aux abeilles Frère Adam (ainsi nommées d’après le moine bénédictin qui les élevait), qu’abrite aujourd’hui une ruche installée sur le toit de la sacristie de la cathédrale Notre-Dame, dans l’île de la Cité. Brunes et veloutées, elles sont productives, résistantes aux parasites, et plus douces que la plupart. Chaque jour, ces abeilles butinent sept cents fleurs, et favorisent ainsi la croissance des plantes dans un rayon de trois kilomètres autour de l’édifice gothique. D’autres poètes, comme moi, sont des êtres solitaires, plus proches des abeilles à la langue courte qu’on trouve dans les régions sauvages, et qui transportent le pollen bien à l’abri sous leur abdomen ou fermement attaché à leurs pattes arrière. Parfois, lorsque j’entends les autres abeilles bourdonner, je me dis : « l’amour, que peut-il être d’autre qu’une profusion de bourdonnements, ou de la haine ? »



    Henri Cole, Paris-Orphée, Carnet d’un poète américain à Paris, chapitre X (extrait), Le Bruit du temps, 2018, pp. 105-107. Traduction de l’anglais (États-Unis) par Claire Malroux.






    Paris-orphee





    HENRI COLE


    Henri Cole-photo-david-deitz
    Source
    D.R. Photo David Deitz



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    la fiche de l’éditeur sur Paris-Orphée
    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    une notice bio-bibliographique sur Henri Cole






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