Étiquette : Traduction


  • Luigia Sorrentino | [tous les jours étaient tombés sur son visage]



    [TUTTI I GIORNI ERANO CADUTI SUL SUO VISO]



    tutti i giorni erano caduti sul suo viso
    le ore di tutto l’essere erano
    invase dalla sete

    nell’angolo spento
    cercó il riflesso dell’oceano
    l’aveva attraversato uscendo dalla madre

    la pioggia di vetro sulla strada
    deserta aveva memoria di un uomo







    [TOUS LES JOURS ETAIENT TOMBÉS SUR SON VISAGE]



    tous les jours étaient tombés sur son visage
    les heures de tout l’être étaient
    envahies par la soif

    dans l’angle éteint
    il chercha le reflet de l’océan
    il l’avait traversé en sortant de sa mère

    la pluie de verre sur la route
    déserte gardait mémoire d’un homme




    Luigia Sorrentino, Début et fin | Inizio e fine, VIII, édition bilingue, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2018, pp. 20-21. Traduction et postface de Joëlle Gardes. Encres de Catherine Bolle.






    Luigia Sorrntino  debut-et-fin






    LUIGIA SORRENTINO


    Sorrentino
    Source




    ■ Luigia Sorrentino
    sur Terres de femmes

    Iperione, la caduta (extrait du recueil Olimpia traduit par AP) [+ une notice bio-bibliographique en français]




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le blog Poesia de Luigia Sorrentino
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur français sur Début et fin de Luigia Sorrentino





    Retour au répertoire du numéro de juin 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Giuseppe Bonaviri | Le printemps



    LE PRINTEMPS




    […] Le plus grand représentant et spécialiste du printemps fut, pour ainsi dire, le maître artisan Ciccio Privitera — garibaldien* au temps de sa jeunesse —, qui habitait une des ruelles qui s’enchevêtrent derrière la dernière partie de Via Roma, près de l’église Santa Maria, où nidifient des centaines de pigeons gris. Maître Ciccio dormait, entre autres, avec son premier cercueil, ou tabbutu, sous son lit (sur ce fait, j’écrivis une nouvelle à l’âge de seize ans). Il avait l’habitude de dire : « L’homme doit être chaque jour fin prêt pour son départ, toujours douloureux, qui disperse les êtres dans le Vide où il n’est plus de lois géométriques. » De fait, lui, qui en mars emplissait son tabbutu de beaux feuillages, d’inflorescences et de cèdres phéniciens, nous expliquait comment chaque fleur avait une disposition spatiale particulière, véritablement donnée à l’avance et géométrisable, existant en essences de formes errantes, antérieurement à la naissance du monde. En outre, selon maître Ciccio, maître maçon, chacun pouvait utiliser un végétal, ou un buisson : le sacristain choisit l’armoise parce que, de ses touffes manches, il peut moucher les bougies dans l’église, afin que s’en répandent les arômes ; la bourrache, sous laquelle les scarabées déposent leurs œufs, est utile au vilain qui la mange en bouillie et assaisonnée d’huile, la menthe, non l’aqueuse du rivage des torrents, mais celle des montagnes, est utilisée par les vieilles femmes pour se rafraîchir l’odorat et leur esprit engourdi ; les herbes dites oiselles — les si fines — sont utiles aux oiseaux de la campagne, et, aux merles, les maquis ensoleillés ; le chat malade se soigne avec les feuilles caduques du soi-disant arbre d’or, etc.

    Une fois le printemps arrivé avec les fumées des chevriers, la chose qui piquait davantage notre curiosité, de nous autres les enfants, était le conseil donné par Privitera : aller laisser nos maladies aux vieilles gens qui, y étant habituées, s’en plaignaient peu. Il suffisait de frapper aux portes et de dire : « Prenez ma toux parce que je n’en veux pas ; que mes plaies apparaissent sur vous, parce que je n’en veux pas. » Je crois qu’il s’agissait d’une pensée archaïque médico-empirique, transportée en Sicile par les Latins : une véritable technique de transfert d’une maladie.

    Quand le soir arrivait avec la constellation du Bélier qui, bleuâtre, pouvait être entrevue depuis les cheminées, dans ces dédales de ruelles étroites, tout en nous la montrant, maître Ciccio nous invitait à nous agenouiller devant sa porte et à prier en attendant l’arrivée du Messie, comme il l’avait vu faire à New York aux juifs qui, des pains azymes à la m ain, marchaient à la queue leu-leu sur le rivage marin.




    Le printemps




    Sur les murs éclosent les câpres et la rose
    purpurine ;
    des femmes cueillent de la menthe le long d’un très blanc
    ruisseau
    parmi cinq cents beaux ventelets.
    Sur son œuf, chante l’alouette dans les blés.

    L’homme savant en ellébore
    noir
    écoute les enfants jouer de la harpe
    qui endort
    les vieilles gens sur leurs grabats, très fine
    dans la maie est la farine.

    Depuis le nôtre, lointain est le royaume du Bélier
    sans
    rue** très fleurie, sans ombres de canisses ;
    l’oreille
    dans les feuilles, saint François mesure les bleus clairs
    à travers les vacuités des cercles planétaires.




    Giuseppe Bonaviri, Les Commencements [L’incominciamento, Sellerio editore, Collana La memoria, Palermo, 1983], Éditions La Barque, 2018, pp. 52-55. Traduction de l’italien, postface & annotations Philippe Di Meo.



    _____________________________________________________
    *garibaldien : autrement dit, ayant participé à l’expédition des Mille (1860) de Giuseppe Garibaldi, ou l’ayant activement soutenue, synonyme de chemise rouge.
    **Rue, ou ruta graveolens : semi-arbrisseau qui possède des vertus aromatiques et médicinales.





    Giuseppe Bonaviri  Les Commencements





    GIUSEPPE BONAVIRI


    Giuseppe bonaviri
    Source




    ■ Giuseppe Bonaviri
    sur Terres de femmes

    Les Commencements (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lemonde.fr)
    un article nécrologique sur Giuseppe Bonaviri, par René de Ceccatty
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    un notice bio-bibliographique sur Giuseppe Bonaviri
    → (sur le site des éditions La Barque)
    la fiche de l’éditeur sur Les Commencements de Giuseppe Bonaviri





    Retour au répertoire du numéro d’ avril 2018
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Nancy Cunard | [See now these berries dark]



    [SEE NOW THESE BERRIES DARK]




    See now these berries dark along the hedge
    Hard as black withered blood drawn long ago
    Whose sap is frozen dry; a windy sedge
    Hides field from ashen field, pale lapwings go
    Whining above the heath, and floods are out
    Over the meadows clasped in frigid lace
    Of wintry avenues, ringed and fenced about –
    His life is a place like this, just such a place.
    For him no house, but only empty halls
    To fill with strangers’ voices and short grace
    Of passing laughter, while the shadows’ lace
    Creeps from the fire along dismantled walls,
    Uncertain tapestry of altering moods—
    Only the sunset’s hour, the solitudes
    Of sea and sky, the rain come with the spring;
    Dark winds that gnarl the olive trees, and moan
    Against the shuttered brain that thrills alone
    Each night more racked by its adventuring.




    Nancy Cunard, Parallax [printed and published by Leonard and Virginia Woolf’s Hogarth Press, London, 1925. First edition].






    Nancy Cunard  Parallax







    [VOYEZ CES BAIES SOMBRES]




    Voyez ces baies sombres le long de la haie,
    Dures comme du vieux sang noir tiré il y a longtemps,
    À la sève gelée desséchée ; le carex agité par le vent
    Cache la terre du champ couleur de cendre, de pâles vanneaux
    Survolent la lande en geignant, et l’eau inonde
    Les prairies corsetées dans une dentelle glaciale
    D’avenues hivernales, entourées, clôturées—
    Sa vie ressemble à cela, précisément à cet endroit-là.
    Pour lui, pas de maisons, juste des salles vides
    À remplir avec des voix étrangères, et la grâce éphémère
    D’un éclat de rire, tandis que la dentelle des ombres
    Surgies du feu se répand sur les murs effondrés,
    Tapisserie hasardeuse d’humeurs changeantes—
    Rien que l’heure du couchant, les solitudes
    De la mer et du ciel, la pluie qu’apporte le printemps ;
    Des vents sombres qui nouent les oliviers, et heurtent
    En gémissant les volets du cerveau qui tressaille,
    Chaque soir plus taraudé par les risques auxquels il s’expose.



    Nancy Cunard, Parallaxe, suivie de poèmes extraits de Hors-la-loi et Sublunaire, Les Nouvelles Éditions Jean-Michel Place, Collection Or-la-loi, octobre 2016, page 39. Traduction de Dorothée Zumstein. In Les Carnets d’Eucharis, mars 2018, page 82.






    Nancy Cunard  Parallaxe






    NANCY CUNARD



    Nancy Cunard portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur CCP, Cahier critique de poésie)
    une note de lecture de Patrice Corbin sur Parallaxe




    ■ Voir encore ▼

    le site des Carnets d’Eucharis



    Retour au répertoire du numéro de mars 2018
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Galway Kinnell | Vente aux enchères


    THE AUCTION



    My wife lies in another dream.
    The quilt covers her like a hill
    of neat farms, or map of the township
    that is in heaven, each field and pasture
    its own color and sufficiency,
    every farm signed in thread
    by a bee-angel of those afternoons,
    the tracks of her inner wandering.
    In this bed spooled out of rock maple plucked
    from the slopes above the farm, saints
    have lain side by side, grinding their
    teeth square through the winter nights,
    or tangled together, the swollen
    flesh finding among the gigantic
    sleep-rags the wet vestibule, jetting
    milky spurts into the vessel
    as secret as that amethyst glass
    glimpsed once overlaid with dust
    in the corner of an attic.



    Galway Kinnell, “The Auction”, I, When One Has Lived a Long Time Alone, Alfred A. Knopf Inc., New York, NY 10019, 1990, p. 12.






    Galway Kinnell  When One Has Lived a Long Time Alone







    VENTE AUX ENCHÈRES



    Ma femme se repose dans un autre rêve.
    L’édredon la recouvre, forme une colline
    aux fermes proprettes, évoque la carte d’un village
    au paradis : chaque champ, chaque pâturage,
    est doté de couleurs et de ressources siennes,
    chaque ferme signée du fil d’une tisseuse —
    ange-abeille de ces après-midi-là —
    suit le tracé de ses déambulations intérieures.
    Sur ce lit, fruit d’un érable à sucre abattu
    sur les pentes en amont de la ferme, des saints
    se sont allongés côte à côte, serrant très fort
    les dents pendant les nuits d’hiver,
    ou enchevêtrés l’un dans l’autre, la chair
    tumescente se frayant un chemin parmi d’infinis
    lambeaux de sommeil jusqu’au vestibule humide,
    faisant jaillir sa giclée lactée dans un vaisseau
    aussi mystérieux que ce verre améthyste
    aperçu un jour, tout recouvert de poussière,
    dans le coin d’un grenier.



    Galway Kinnell, Quand on a longtemps vécu seul, La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2017, page 27. Traduit de l’américain par Pascale Drouet.






    Galway Kinnel  Quand on a longtemps vécu seul






    GALWAY KINNELL


    Galway kinnell 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    le site Galway Kinnell
    → (sur le site Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell
    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell





    Retour au répertoire du numéro de novembre 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Ewa Lipska | Vertige amoureux [Zakochanie]



    ZAKOCHANIE




    Tych dwoje
    pod czułą narkozą niebios.

    W podróżach przez legendy
    homilie i anegdoty.
    Zasnęli wreszcie
    w czarnej pelerynie hotelu
    o którym rozpisują się
    plotkarskie media.

    Wybudzić ich z miłości
    pragnie krzykliwa błyskawica.
    A zazdrosne życie w żałobie
    Kręci się koło recepcji jak pies.

    Ale tych dwoje
    pod czułą narkozą niebios.
    Szczęśliwi na zawsze.
    Ze śmierci wypluwają
    jedynie pestkę.






    Lipska_Czytnik linii papilarnych_m







    VERTIGE AMOUREUX




    Ces deux-là
    sous la tendre anesthésie des cieux.

    Voyagent à travers les légendes
    les homélies et les anecdotes.
    Ils se sont endormis enfin
    dans la noire pèlerine de l’hôtel
    au sujet duquel
    ne tarissent pas
    les rumeurs médiatiques.

    Les éveiller de l’amour
    se dit l’éclair d’un cri.
    Tandis que la vie en deuil jalouse
    tourne en rond à la réception comme un chien.

    Mais ces deux-là
    sous la tendre anesthésie des cieux.
    Heureux pour toujours. De la mort ils recrachent
    le noyau seulement.




    Ewa Lipska, Lecteur d’empreintes digitales [Czytnik Linii Papilarnych, éditions Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 2015], édition bilingue, éditions LansKine, Collection « Ailleurs est aujourd’hui », 2017, pp. 44-45. Traduction et introduction Isabelle Macor.






    Lipska Lanskine





    EWA LIPSKA


    Ewa Lipska Portrait





    ■ Ewa Lipska
    sur Terres de femmes

    La mémoire [Pamięć] (extrait de L’Amour, chère Madame Schubert… [Miłość, droga pani Schubert…])
    Nature morte [Martwa Natura] (extrait de Rumeur [Pogłos])



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel d’Ewa Lipska
    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Lecteur d’empreintes digitales d’Ewa Lipska
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ewa Lipska
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Isabelle Macor-Filarska
    le site personnel d’Isabelle Macor-Filarska





    Retour au répertoire du numéro d’avril 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Carles Riba | [dels invisibles corrents]



    [DELS INVISIBLES CORRENTS]




    dels invisibles corrents, dins l’obac obrador subterrani

    on l’abella de l’erm va, esmunyedissa a fe’ el rusc.
    Itaca, regne petit, conec la cova profunda!

    Olivereda amunt, fora camí, en el rocall;
    closa i subtil com l’hora d’un sol pensament, per a entrar-hi

    calen un front humil sota la llinda i un salt.





    [DES INVISIBLES COURANTS]




    des invisibles courants, dans le sombre atelier souterrain

    où l’abeille du désert va, se glissant, faire sa ruche.
    Ithaque, royaume petit, je connais la grotte profonde !

    Au-dessus des oliviers, hors chemin, dans la rocaille ;
    close et subtile comme l’heure d’une seule pensée, pour y entrer

    il faut un front humble sous le seuil, et un saut.



    Carles Riba, Élégies de Bierville, édition bilingue catalan-français, Arfuyen, Collection « Neige », volume 35, 2017, pp. 48-49. Traduit du catalan par Jean-Claude Morera.






    Carles Riba 2






    CARLES RIBA


    Riba_carles
    Source





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Carles Riba
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Élégies de Bierville de Carles Riba





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • H.D. (Hilda Doolittle) | [The golden apples of the Hesperides]



    HD 2
    Image, G.AdC







    [THE GOLDEN APPLES OF THE HESPERIDES]




    The golden apples of the Hesperides,
    the brushed-bloom of the pollen
    on the wing of ravishing butterfly or plundering bee;

    the gold of evanescence or the gold
    of heavy-weighted treasure,
    which will out-weigh the other?

    grandam, great Grande Dame,
    we will go on together ,
    and find the way to hyacinths by a river,

    where a harp-note sounded
    and a moment later —
    grandam, great Grande Dame, He is here with us,

    in notes ascending and descending from his lyre,
    your Child, my Child and Helios’ Child, no other,
    to lure us on, on, on, Euphorion, Espérance.



    Hilda Doolittle, Winter Love, 25, in Hermetic Definition, New Directions Publishing; 1st edition (January 17, 1972).






    Hermetic Definition.PNG 2







    [DES POMMES DORÉES DES HESPÉRIDES]




    Des pommes dorées des Hespérides,
    du duveté-velours du pollen
    sur l’aile du papillon ravissant ou de l’abeille butineuse ;

    de l’or d’évanescence ou de l’or
    du trésor pesant,
    lequel pèsera plus que l’autre ?

    grandame, grande ‘Grande Dame’,
    nous allons continuer ensemble,
    et trouver le chemin des jacinthes près d’une rivière,

    où une note de harpe a retenti
    et un moment après —
    grandame, grande ‘Grande Dame’, Il est ici avec nous,

    dans les notes montant et descendant de sa lyre,
    votre Enfant, mon Enfant et l’Enfant d’Hélios, nul autre,
    pour nous emporter, porter, porter, Euphorion, ‘Espérance’.



    H.D. (Hilda Doolittle), Amour d’hiver (Espérance) (3 janvier-15 avril 1959), 25, in Amour d’Hiver, Ypςilon. éditeur, 2017, pp. 65-66. Traduction Étienne Dobenesque.






    HD, Amour d'hiver






    H.D. (HILDA DOOLITTLE)


    HildaDoolittle
    Source



    ■ H.D.
    sur Terres de femmes

    At Baia
    Tribute to the Angels [40] (+ traduction en français de Bernard Hoepffner)
    18 avril 1958 | L’inculpation d’Ezra Pound est levée (Journal [Fin du tourment] d’H.D)
    20 mai 1958 | Journal (+ d’autres extraits du Journal [Fin du tourment] d’H.D.)
    un poème extrait de Trilogy d’H.D. : The Walls Do Not Fall [4] (+ traduction en français de Jean-Paul Auxeméry | traduction en français de Bernard Hoepffner)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un poème extrait de Trilogy d’H.D. : The Walls Do Not Fall [I] (+ traduction en français de Bernard Hoepffner)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions

    par Angèle Paoli

    Andrea Zanzotto, Vocatif suivi de Surimpressions,
    Éditions Maurice Nadeau – Les Lettres Nouvelles, 2016.
    Traduction de l’italien et présentation par Philippe Di Meo.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Andrea Zanzotto, Portrait
    Matteo Bertomoro, Portrait d’Andrea Zanzotto
    Source








    « LE MÉTRONOME » D’ANDREA ZANZOTTO




    Le tout nouveau recueil que les éditions Maurice Nadeau consacrent ce mois-ci à Andrea Zanzotto (Vocatif, suivi de Surimpressions) s’attache à reprendre deux volumes importants de la création poétique du poète vénète. De Vocatif (recueil publié en 1957, mais resté inédit en français) à Surimpressions (avant-dernier recueil poétique d’Andrea Zanzotto), c’est un grand saut (de A à Z) dans la traversée poétique d’une vie que nous sommes invités à accomplir. En effet, si les trois sections de l’ensemble des poèmes de Vocatif — « Comme une bucolique » / « Première personne » / « Appendice » — renvoient à des poèmes écrits entre 1949 et 1956, voire en 1957, les sections de Surimpressions — « Vers les paluds » / « Chansonnettes hirsutes » / « Les aventures métaphoriques du fief » — renvoient, elles, aux quasi ultimes créations du poète et à l’année 2001. Pourtant un zeugma aux enjambements multiples relie ces deux pôles extrêmes et les liens sont multiples qui traversent et unissent entre eux les différents recueils du poète. Depuis Vocatif (Vocativo, 1957) à Surimpressions (Sovrimpressioni, 2001) en passant par La Beauté (La Beltà, 1968), La Veillée (Filò, 1976), Idiome (Idioma, 1986), Météo (Meteo, 1996)… un même esprit habite ce qu’Andrea Zanzotto hésitait à considérer comme une « œuvre » et qui n’en demeure pas moins une œuvre unique et essentielle dans le panorama de la poésie italienne du XXe siècle. Une poésie définie par Stefano Colangelo, professeur de philologie à l’université de Bologne, comme une « poésie de l’irréparable ».

    La figure fondatrice et fondamentale du paysage est le point d’ancrage existentiel de la poésie de Zanzotto. L’œuvre de Zanzotto s’inscrit tout entière dans ce qui constitue son univers à la fois réel et intérieur, naturel et mental : le paysage de Vénétie, avec ses paluds menacés de disparition, ses miroirs d’eau à la dérive, ses grands espaces médiévaux absorbés par l’asphyxie. Tout « l’arrière-pays » mental du poète — cette « écologie de l’esprit » qui le caractérise — prend racine dans cette « dévastation » que Zanzotto ne cesse de dénoncer de recueil en recueil. Cet « arrière-pays » d’horizons gangrenés vient se superposer aux collines aimées de Pieve di Soligo, dessinant un domino d’images bousculées par une syntaxe particulière qui fond dans une même cornue d’alchimiste toutes les formes du langage. Incluant dans un même recueil néologismes, termes enfantins et comptines, langages dialectaux (le « petèl ») et scientifiques, inventions et « forgeries » multiples qui privilégient les procédés par agglutination, affinités phoniques et onomatopées, Zanzotto, mêlant l’ancien et le nouveau, associe à la modernité (destructrice) les poètes inventeurs de la grande tradition italienne. De Virgile à Leopardi, en passant par Dante, Pétrarque et Foscolo. Et dans un autre espace littéraire, le maître : Hölderlin. Hölderlin que Zanzotto invoque ainsi dans ce vers de La Beauté :

    « Hölderlin, aide-moi à écrire une ligne tremblante »

    « La Beltà ». L’exigence de Beauté ne parviendra pas à sauver du naufrage un monde à la dérive. Reste la poésie soumise souvent à une ironie tragique, aiguisée par un regard autocritique douloureux mais sans concession.

    Quant au recueil Surimpressions, recueil défini par le poète comme un ensemble de « travaux à la dérive », Andrea Zanzotto précise que celui-ci « doit être lu en relation avec le retour de souvenirs et traces scripturales et, dans le même temps, de sentiments d’étouffement, de menace et peut-être d’envahissements dignes du tatouage. »

    Souvenirs ? Le poème intitulé « Diplopies, Surimpressions » (1945-1995) évoque bien ce « phénomène de perception simultanée de deux images » d’un même objet. Ici deux espaces spatio-temporels se superposent. Les martyrs du 30 avril 1945 sont associés à un paysage et à l’intérieur du paysage, par effet d’observation et de miniaturisation, aux « très légères cloches-aigrettes » qui s’égrènent sous le vent.

    « Duvets de lumière blanche à peine

    répandus dans les lointains des prés,

    Martyrs, humbles éléments

    frères sacrés dans les invasions des vents

    c’est le 30 avril aujourd’hui, votre jour

    d’années désormais si hautes et lointaines

    qu’elles ne sont plus perçues

    par l’effort des yeux

    semiensevelis

    […]

    Martyrs, partout je vous lis dans le tremblotement

    des cloches et des aigrettes perpétuellement

    attachées à disparaître naître redire

    redire de prairie en prairie

    au ras de l’oubli… »

    Pareille évocation existe déjà dans Météo. Ainsi le poème intitulé « Duvets » semble-t-il annoncer celui [supra] de Surimpressions :

    « Pré de cloches, d’aigrettes, là-bas égaré

    Toujours plus profonde avancée

    des conceptions de l’infini

    Duvets de lamentations subtiles      lointaines,

    vibratiles traquenards où la lumière tomba

    souffles, touchers      sur d’immenses surfaces arrêtés »

    Avec, dans le recueil Surimpressions, une mise en relief d’une dimension historique en lieu et place d’une dimension essentiellement climatique.

    Ainsi se répondent en écho des thèmes et des lieux. Des figures déjà citées dans d’autres recueils affleurent à nouveau puis réémergent de manière inattendue, tissant entre les œuvres de différentes époques un tissu réticulaire aux mailles serrées, fait de reprises, de transitions, d’hybridations. Ainsi les « Relectures de Topinambours » (in Surimpressions) renvoient-elles aux « Topinambours » de Météo. Et les « Lieux Ultimes du “Galaté au Bois” » (in Surimpressions) renvoient-ils au Galateo in Bosco, recueil de vers composé entre 1975 et 1978. Et toujours, au premier plan du tableau, la composante essentielle du paysage. Un personnage à lui tout seul, qui agit et pense en lieu et place du sujet, disparu par effacement. Pour dialoguer avec « ces lieux froids, vierges qui/éloignent/la main de l’homme », Zanzotto met en scène « un homme triste », un vieil homme anéanti, absent à lui-même comme le sont aussi ces

    « dominos de mystères

    tombant l’un après l’autre en eux-mêmes

    attirés dans le touffu du finir

    sans fin, sans fin des aventures. »

    Paysage et personnage, seuls protagonistes des poèmes de Surimpressions, sont emportés dans le même mouvement. Et s’ils peuvent se rencontrer, c’est dans leur absence partagée. Car aucun autre humain vivant ne se montre sur les devants de la scène et nul autre que « l’homme triste » ne prend la parole. Ainsi dans « Ligonàs », celui-ci s’adresse-t-il directement au paysage. Pourtant, si le mot réapparaît dans le second poème, il apparaît entre crochets et biffé : [paysage]. Avalé par les constructions sauvages, détruit par les cultures intensives qui ont anéanti les cultures traditionnelles, le paysage n’existe plus. Seul persiste encore, dans un repli de la mémoire, ce qui jadis fut :

    « Cette intime splendeur

    d’“il était une fois” et qui

    depuis des années escarpées reste séparée de moi… »

    À nouveau dans Surimpressions, mais dans la section intitulée « Les aventures métaphorique du fief », le poète dénonce les effets de la « démence » sur le paysage. Une démence généralisée, totale, individuelle et collective à la fois, résultat de la folie humaine. Une sorte de maladie d’Alzheimer a frappé le monde. En témoigne le poème intitulé « Méduse/par un froid juillet  » :

    « Très chère d’un même âge,

    déjà brillante belté,

    il y a peu encore

    tu étais une vieille limpide.

    puis l’alzaillemer est venu

    pour te transformer en émail… »

    Ainsi, le cosmos, l’univers tout entier, la nature sont-ils désormais soumis à d’autres logiques, à d’autres raisons, à d’autres lois que celles qui régissaient jadis avec harmonie, non seulement le monde mais également le « Fief ». Jadis l’univers était « Un ». Les dieux qui peuplaient la nature de leurs histoires, en assuraient l’équilibre. La religion de la nature offrait à l’homme « une paisible liturgie », sensible dans les vers de Zanzotto. Aujourd’hui, les voix se sont tues. Restent le vide et son contraire, la surabondance — cette « prolifération métastasique  » — ainsi qu’un silence voué à la cacophonie.

    Et le vieil homme triste d’invoquer la voix pour la supplier de se faire discrète :

    « N’exhale plus du silence par saccades

    par soubresauts, enflammé

    enflammé mal volontiers dans le sublime

    parfois nauséosemblable en coulées de rimes

    disparaissant, voix, n’exhale plus n’intime plus

    ne te déplace plus dans une existence interdite

    ne m’interdis pas d’être — »

    Pourtant, dans le poème « Ligonàs II », le « vieil homme » confie au paysage toute la reconnaissance qu’il éprouve envers lui, malgré les dissonances et les fractures :

    « tu continues à me donner une famille

    grâce à tes familles de couleurs

    et d’ombres quiètes mais

    néanmoins mues-par-la-quiétude,

    tu donnes, distribues avec douceur

    et avec une distraction ardente le bien

    de l’identité, du “moi”, qui pérenne-

    ment revient ensuite, tissant

    d’infinies autoconciliations : depuis toi, pour toi, en toi. »

    Qui dit invocation dit aussi évocation, provocation et vocatif. Tout cela est inclus dans un même vocable. Vocatif. Tel est le titre qu’Andrea Zanzotto a choisi pour rassembler dans un même recueil les poèmes lyriques écrits entre 1951 et 1957. Ce titre est repris en écho dans le poème intitulé « Cas Vocatif » (in « Comme une Bucolique », première section du recueil). Le poète y interpelle ses pensées, avec une interjection noble immédiatement contrebalancée par une série de notations négatives, lourdes de sens :

    « Ô mes amusements cruellement interrompus,

    pensées où je me crois et vois,

    goulu vocatif,

    halètement décérébré. »

    Goulu, le vocatif ? Oui. Il l’est en effet. Ce cas (en latin) se nourrit de toutes sortes d’images qui façonnent l’esprit du poète. Le fleuve et l’eau, les paysages bucoliques de Pieve di Soligo, la colline du Montello, les bois, les arbres, le monde, l’été, les foins de juillet… Les camarades défunts, la mère-enfant, absente présente dans une ode élégiaque où le poète l’évoque avec tendresse, lui parle, l’interroge, s’interroge. Une très belle ode :

    « toujours il revient

    ton fils, ô mère, par des routes

    courbes, par d’infinis enveloppements… »

    ou encore :

    « la route s’engazonne et les larmes

    se pressent dans mon regard. Ô maman. »

    Et toujours revient dans les évocations/invocations, « le vert squameux du monde » — dans ses multiples variations — lequel accompagne le poète qui s’abîme dans son désarroi :

    « je m’enterre en vertes physiques lenteurs. »

    À des étudiants de Parme qui demandaient un jour (en 1980) à Andrea Zanzotto pourquoi la poésie contemporaine est souvent difficile à comprendre, le poète vénitien répondit par une métaphore :

    « Il existe une compréhension qui se fait de manière immédiate, celle que l’on peut avoir à la lecture d’un journal et, pour un article de journal, c’est indispensable. Il n’en est pas ainsi pour la poésie, parce qu’elle se transmet par des impulsions souterraines, phoniques, rythmiques… Pensez au fil de l’ampoule électrique qui nous envoie la lumière, le message lumineux, grâce justement à la résistance du support. Si je dois transmettre du courant à longue distance, j’utilise des fils électriques très épais, et le courant passe et arrive à destination sans déperdition. En revanche, si j’utilise des fils électriques d’un tout petit diamètre, le courant a du mal à passer, il force et génère un phénomène nouveau, la lumière ou la couleur. C’est ce qui se produit dans la communication poétique, dans laquelle c’est la langue qui constitue le support. Le fait de densifier de manière excessive les signifiés, les motifs, de surcharger les informations, tout cela peut provoquer un « court-circuit », une obscurité, non par défaut mais par excès. » (Traduction inédite AP)

    Pour le poète Eugenio Montale, la « poésie très cultivée » de Zanzotto est celle d’un « poète percussif mais non bruyant : son métronome est peut-être le battement du cœur. » À l’instar du poète russe Vélimir Khlebnikov (que Montale regrette de ne pouvoir lire dans sa langue), Andrea Zanzotto « creuse dans le langage comme une taupe. » Tout pareillement à Philippe Di Meo, traducteur en langue française quasi exclusif du poète Zanzotto, qui offre ici, dans ce nouveau volume des œuvres du grand poète vénitien, une traduction fouillée. Exemplaire. Admirable en tous points.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Zanzotto Nadeau







    ANDREA ZANZOTTO


    Zanzotto
    Source



    ■ Andrea Zanzotto
    sur Terres de femmes

    Verso i Palù (poème extrait de Surimpressions)
    10 octobre 1921 | Naissance d’Andrea Zanzotto (notice bio-bibliographique + un poème extrait de Fosfeni)
    18 octobre 2011 | Mort d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de La Beltà)
    (Anticicloni, Inverni)(poème extrait de Fosfeni)
    Cantilene londinese d’Andrea Zanzotto
    Comment puis-je oser vous appeler ici (poème extrait d’Idioma)
    Così siamo (extrait de IX Egloghe)(Hommage à Andrea Zanzotto [III])
    Filò, la Veillée (lecture d’AP)
    Ticchietto (extrait de Meteo)
    Vocativo (extrait)(Hommage à Andrea Zanzotto [I])
    A.Z. [Andrea Zanzotto], par Jacqueline Risset (Hommage à Andrea Zanzotto [II])



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur En attendant Nadeau)
    une lecture de Vocatif suivi de Surimpressions par Giorgia Bongiorno





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2017
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Paul Celan | Tübingen, Jänner




    TÜBINGEN, JÄNNER



    Zur Blindheit über-
    redete Augen.
    Ihre — “ein
    Rätsel ist Rein-
    entsprungenes” —, ihre
    Erinnerung an
    schwimmende Hölderlintürme, möwen-
    umschwirrt.

    Besuche ertrunkener Schreiner bei
    diesen
    tauchenden Worten:

    Käme,
    käme ein Mensch,
    käme ein Mensch zur Welt, heute, mit
    dem Lichtbart der
    Patriarchen: er dürfte,
    spräch er von dieser
    Zeit, er
    dürfte
    nur lallen und lallen,
    immer-, immer-
    zuzu.

    (“Pallaksch. Pallaksch.”)







    TÜBINGEN, JANVIER



    Les yeux saoulés de mots re-
    disant d’être aveugle.
    Leur — « Énigme ce qui
    est pur
    surgissement » — leur
    souvenir de
    tours Hölderlin flottant dans les
    tourbillons de mouettes piailleuses.

    Visites de menuisiers noyés à
    ces
    mots en plongée :

    Si venait,
    si venait un homme,
    si venait un homme au monde aujourd’hui, avec
    la barbe de lumière des
    Patriarches : il pourrait,
    s’il parlait de ce
    temps, il
    pourrait
    seulement bredouiller et bredouiller
    toujours, rebredouiller tou-
    jours, -jours

    (“Pallaksch, Pallaksch.”)



    Paul Celan, «  Tübingen, janvier » in revue littéraire mensuelle Europe, septembre-octobre 2016, n° 1049-1050, pp. 188-189. Traduction de Jean-Pierre Lefebvre.






    Celan Europe




    PAUL CELAN


    Paul_celan
    Dirk Hagner, Portrait de Paul Celan
    Reduction woodcut on washi, 2000
    102 x 57 cm
    Source




    ■ Paul Celan
    sur Terres de femmes

    23 novembre 1920 | Naissance de Paul Celan
    La main pleine d’heures
    Lob der Ferne
    Lointains
    Stimmen
    TANT D’ASTRES
    13 février | Paul Celan, Tout en un
    5 décembre 1960 | Lettre de Nelly Sachs à Paul Celan
    Jeudi 11 décembre 1969 | Lettre de Paul Celan à Ilana Shmueli
    Correspondance Nelly Sachs | Paul Celan (lecture d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Lyrikline)
    Paul Celan disant lui-même dix de ses propres poèmes





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Violette Krikorian | [La scène et le rideau meurent lentement]




    [LA SCÈNE ET LE RIDEAU MEURENT LENTEMENT]




    La scène et le rideau meurent lentement
    (pourrai-je recommencer un jour ?)
    Je compte sur ma peau douce
    et mes seins encore fermes.
    Cœur et cheveux au vent,
    j’ai passé la journée à donner des baisers ;
    trois de mes amants sont morts
    — qui avaient juré de ne jamais me quitter.
    De toute manière, hélas, je ne serai jamais
    une grande aux yeux bleus ;
    si je devais revenir par ici,
    ce serait dans le corps — ou la carapace — d’une herbe.
    Mais je suis encore là, rampant
    dans cet espace confiné où j’étouffe ;
    mâchant du chewing-gum, obstinée, j’attends l’heure
    où, à défaut d’une porte, un volet au moins s’ouvrira.
    Vous seuls connaissez le mot de passe,
    arbrisseau, ruisseau, pavé, scarabée ;
    poussez-vous un peu, faites-moi de la place
    — que je reste avec vous, docile et résignée.
    Mon beau soleil, réchauffe-moi :
    de froides pluies m’ont trempée ;
    communauté des herbes, fais-moi la grâce
    de m’accepter en ton sein, comme l’une des tiennes.
    Mais je n’ai pas trouvé les mots justes
    pour qu’hommes et coquelicots me comprennent ;
    au lieu d’épuiser mon souffle,
    je mâcherai du chewing-gum jusqu’à ce que mon tour vienne.



    Violette Krikorian in Avis de recherche Une anthologie de la poésie arménienne contemporaine, version bilingue, Éditions Parenthèses, Collection Diasporales, Marseille, 2006, page 195. Traduction de Nounée Abrahamian et de Stéphane Juranics. Anthologie dirigée et coordonnée par Stéphane Juranics et Olivia Alloyan.






    Avis de recherche






    VIOLETTE KRIKORIAN


    Portrait_de_violette_krikrorian
    Image, G.AdC




    ■ Violette Krikorian
    sur Terres de femmes

    Autoconfirmation (+ une notice bio-bibliographique)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Denis Donikian)
    Violette Krikorian : La poésie n’est pas à vendre
    → (sur le site du Marché de la Poésie de Bordeaux)
    une page sur Violette Krikorian
    → (sur le site du quotidien La Croix)
    Violet Grigoryan [Violette Krikorian], l’insoumise d’Erevan, par François d’Alançon







    Retour au répertoire du numéro d’août 2016
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes