du mal qui t’attire
et avec lequel tu te bats. Toujours.
Le texte ci-dessus est l’aboutissement d’une traduction collective en langue française, entreprise par les étudiantes du master TLEC (Traduction littéraire et édition critique) de l’Université Lyon 2 (Francesca Caiazzo, Sofia Gérard, Marie-Laurentine Bérenger, Alice Wagner). Sous la direction de Marie Fabre (juin 2015).
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NOTE DE MARIE FABRE : Caino est une pièce de Mariangela Gualtieri publiée en 2011 chez Giulio Einaudi editore et encore inédite en France. Elle a été écrite dans le cadre du Teatro Valdoca de Cesena, fondé par Cesare Ronconi et Mariangela Gualtieri au début des années 1980. Nous proposons ci-dessus le début du « Prologue », dans une traduction collective faite dans le cadre d’un atelier de traduction pour le master TLEC de l’Université Lyon 2. La meilleure façon de présenter la pièce est sans doute de traduire les premiers paragraphes de la Note de l’auteur qui l’accompagne :
« La partie de la Genèse qui concerne Caïn est mouvante, mystérieuse, pleine de silences, suggérant subtilement de possibles dualités : agriculture et transhumance, errance et stabilité, action contemplation, ville et désert, rationalité animalité, elle est en somme pleine d’attractions thématiques.
Je me suis tenue à une certaine distance de la page biblique, loin de toute tentative d’exégèse, attirée plutôt par le silence qui règne autour de la figure de Caïn et par la puissance de cette icone : il se découpe, tout à fait seul, dans un désert aveuglant, la mine dure, avec un fratricide qui pèse sur ses épaules, la malédiction de la terre, l’éloignement du visage de la divinité. Puis le voilà qui initie, avec la construction de la première ville, les arts noirs de la technologie – rendus surtout noirs par l’égarement de l’éthique qui n’a pas suivi l’immense évolution de la technologie.
Il est frappant de constater que celui qui a construit la première ville est justement un fratricide, un fuyard, un sans-dieux. Peut-être que celui qui a écrit la Genèse se sentait sous la menace d’être actifs et raisonnants et désirants.
La menace de l’intelligence. Mais aussi la force de cette énergie qui nous caractérise : ce n’est pas une dégénération, c’est une énergie en dotation. Nous sommes ainsi faits, avec en nous cette impulsion irrépressible pour l’action, avec en nous cette tempête. Caïn nous ressemble tant : il m’a presque semblé qu’avant nous il était impossible de le comprendre tout à fait. Nous sommes seuls comme lui, nous détruisons la vie en dehors et au-dedans de nous, nous allons désormais sans idée de prochain, et nous sommes aussi actifs que lui, loin de tout thème céleste, tous voués à notre être terrestre.
Parfois, devant la manière dont les choses ne collent pas dans le récit de ce premier né, j’ai pensé que peut-être la substance dont nous sommes faits est d’amour, à tel point que si nous ne sommes pas aimés nous devenons difformes. »