Étiquette : Traduit de l’américain


  • Rosanna Warren | Scat




    SCAT



    Coyotes yodel along the ridge at night in bacchanals.
    Smashed starlight litters the snow.
    Wind hones the mountain’s silhouette
    to a dark blade. Streams wrestle
    in the shoulder-lock of ice: held hard above,
    below the waist thawed, kicking loose, mindling the gleam
    of thighs.
    Like a crazed jeweler, the sky flings out
    its scatter of stars. Our dreams are plural,
    we guard each other’s heat all night under a mound
    of blankets, half-deafened by waters.
    By day, we examine the relics:
    coyote scat, small bear tracks, and the gray, dry stogie
    of an owl pellet: coughed up, burlap-textured, prickly
    with bits of hair and bone, the indigestibles.






    SCAT



    Bacchanales nocturnes des coyotes qui iodlent le long de la crête.
    Pulvérisée, la lumière des étoiles jonche la neige.
    Le vent affûte l’ombre de la montagne
    en lames noires. Les courants luttent corps
    à corps avec les blocs de glace : tenus forts
    sous la ceinture du dégel, ils se débattent, cuisses luisantes.
    Comme un joaillier fou, le ciel disperse ses étoiles
    aux quatre vents. Nos rêves se démultiplient,
    on retient la chaleur toute la nuit sous un tas
    de couvertures, à moitiés assourdis par les torrents.
    De jour, on examine les reliques :
    excréments de coyote, traces d’ours, et la boulette grise et
    desséchée
    qu’une chouette a régurgitée : texture de toile, épineuse,
    poils et bouts d’os, toute la matière indigeste.





    Rosanna Warren, Ghost in a red hat, 2011 [« Fantôme au chapeau rouge »] in De notre vivant, édition bilingue, Collection Ecri(peind)re, Æncrages & Co, 2019, s. f. Traduit de l’américain par Aude Pivin. Gravures de Peter H . Begley.





    Rosanna Warren  De notre vivant





    ROSANNA WARREN


    Rosanna-warren NB
    Source



    ■ Rosanna Warren
    sur Terres de femmes

    Travel (+ notice bio-bibliographique)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Poetry Foundation)
    le poème “Mediterranean” dit par Rosanna Warren





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  • Hart Crane | Passage



    PASSAGE



    Where the cedar leaf divides the sky
    I heard the sea.
    In sapphire arenas of the hills
    I was promised an improved infancy.

    Sulking, sanctioning the sun,
    My memory I left in a ravine,—
    Casual louse that tissues the buckwheat,
    Aprons rocks, congregates pears
    In moonlit bushels
    And wakens alleys with a hidden cough.

    Dangerously the summer burned
    (I had joined the entrainments of the wind).
    The shadows of boulders lengthened my back:
    In the bronze gongs of my cheeks
    The rain dried without odour.

    “It is not long, it is not long;
    See where the red and black
    Vine-stanchioned valleys—”: but the wind
    Died speaking through the ages that you know
    And bug, chimney-sooted heart of man!
    So was I turned about and back, much as your smoke
    Compiles a too well-known biography.

    The evening was a spear in the ravine
    That throve through very oak. And had I walked
    The dozen particular decimals of time?
    Touching an opening laurel, I found
    A thief beneath, my stolen book in hand.

    “Why are you back here—smiling an iron coffin?
    “To argue with the laurel,” I replied:
    “Am justified in transience, fleeing
    Under the constant wonder of your eyes—.”

    He closed the book. And from the Ptolemies
    Sand troughed us in a glittering, abyss.
    A serpent swam a vertex to the sun
    —On unpaced beaches leaned its tongue and drummed.
    What fountains did I hear? What icy speeches?
    Memory, committed to the page, had broke.






    PASSAGE



    Au point où la feuille de cèdre divise le ciel
    J’ai entendu la mer.
    Dans les arènes de saphir de ces collines
    Une meilleure enfance me fut promise.

    Boudeur, vivant sous la règle du soleil,
    Mes souvenirs, je les ai laissés dans un ravin, —
    Poux grossiers qui ourdissent l’avoine,
    Qui nappent les rocs, rassemblent les poires
    Par boisseaux au clair de lune,
    Et réveillent les allées d’une toux invisible.

    L’été brûlait dangereusement
    (Je m’étais enrôlé dans les exercices du vent).
    Les ombres des blocs m’ont étiré le dos :
    Dans les gongs de bronze de mes joues
    La pluie a séché sans laisser d’odeur.

    « Ce n’est pas long, ce n’est pas long ;
    Regarde là-bas, là où le rouge et noir
    Vignent à bâtons levés les vallées ! » : mais le vent
    Mourut, comme sa parole passait les générations que tu connais
    Et étreins, cheminée sous la suie, cœur d’homme !
    Ainsi me fit-on virer, revenir sur mes pas, tout à fait comme
    Votre fumée compile une biographie trop connue.

    Le soir était une lance portée dans le ravin,
    Forte à fendre le chêne. Aurais-je donc passé
    Les décimales singulières que le temps compte par douzaines ?
    Au contact d’un laurier qui s’ouvrait, je tombai
    Sur un voleur tapi, qui tenait mon livre dérobé.

    « Pourquoi reviens-tu ici — avec un cercueil de fer pour tout sourire ?
    — C’est pour me quereller avec le laurier », répondis-je :
    Suis bien en droit d’être éphémère, si c’est pour fuir
    La stupeur constante de ton regard —. »

    Il referma le livre. Et, des Ptolémées
    Le sable nous siphonna dans un abîme étincelant.
    Un serpent fit sa nage de vortex vers le soleil
    — Apposa sur des plages vierges sa langue, et tambourina.
    Quelles fontaines ai-je ouïes ? quels discours glacés ?
    Le souvenir, une fois couché sur la page, s’est rompu.



    Hart Crane, Bâtiments blancs, in L’Œuvre poétique, édition bilingue, Arfuyen, Collection Neige, volume 31, 2015, pp. 64-65-66-67. Traduit de l’américain par Hoa Hôï Vuong.






    Hart Crane




    HART  CRANE


    Crane
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Hart Crane
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la fiche de l’éditeur sur L’Œuvre poétique de Hart Crane






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