Étiquette : Traduit de l’espagnol


  • Regina José Galindo | Pour chaque champ de maïs que tu brûleras


    Por cada milpa que tú quemes
    nosotros sembraremos cien semillas

    Por cada feto qu tú mates
    nosotros criaremos cien hijos

    Por cada mujer que tú violes
    nosotros tendremos cien orgasmos

    Por cada hombre que tú tortures
    nosotros abrazaremos cien alegrías

    Por cada muerto que tú niegues
    nosotros tejeremos cien verdades

    Por cada arma que tú empuñes
    nosotros haremos cien dibujos

    Por cada bala perdida
    cien poemas

    Por cada bala encontrada
    mil canciones.







    Pour chaque champ de maïs que tu brûleras
    nous sèmerons cent graines

    Pour chaque fœtus que tu tueras
    nous élèverons cent enfants

    Pour chaque femme que tu violeras
    nous aurons cent orgasmes

    Pour chaque homme que tu tortureras
    nous embrasserons cent joies

    Pour chaque crime que tu nieras
    nous tisserons cent vérités

    Pour chaque arme que tu brandiras
    nous ferons cent dessins

    Pour chaque balle perdue
    cent poèmes

    Pour chaque balle trouvée
    mille chansons.





    Regina José Galindo, Rage/Rabia, édition bilingue, éditions des Lisières, Collection Hêtraie, 2020, pp. 54-55. Traduit de l’espagnol (Guatemala) par Laurent Bouisset.






    Rage



    REGINA JOSÉ GALINDO


    Regina josé Galindo 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions des Lisières)
    la page de l’éditrice sur Rage/Rabia
    le site de Regina José Galindo





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  • Andrès Sánchez Robayna, Patmos (extrait)




    PATMOS (extrait)



    Au commencement, un nom, sa muette résonance.

    Rien d’autre qu’un nom ? Tu sais bien qu’ainsi commence,

    et peut-être ainsi finit,
    la vibration du soleil sur le versant, dans le couchant

    de septembre,
    sur la couleur du chardon,
    une couleur indistincte,
    entre l’acceptation et l’abandon, comme si
    dans l’aubépine brillait la lumière finissante,
    que personne ne contemple. Ainsi le commencement.

    Le commencement. Un nom, deux syllabes qui jaillissent
    comme la langue de l’eau sur le rivage.
    Elles glissent ainsi que deux petites vagues
    sur cette plage déserte,
    et font tinter des galets,
    s’entrechoquer des cailloux sous la lumière du temps.

    Le nom. Ne glisses-tu pas, toi, à l’intérieur de l’ombre,
    entre noms et rivages, entre les noms véritables
    et la lumière qui sauve ?
    Mais ne dis pas qu’un nom n’est rien d’autre qu’un nom,
    il contient le matin, et le soir qui s’éteint, tamisé

    par le temps,
    deux syllabes s’enflammant dans le brasier de juillet.
    Le vent s’agite en elles, et dans la canne sifflante.

    Le nom te convoquait. Tu connaissais le signe.

    Il n’y a peut-être rien d’autre que tu connaisses,
    ce son obscur des noms, les paroles

    obscures,
    les archétypes,
    comme sur la page d’Hölderlin,
    lue en juillet,
    quand le soleil est un ravissement.

    Va aux syllabes
    indestructibles.

    C’est le son obscur qui convoque ainsi
    dans les montagnes de l’île.



    […]




    Andrès Sánchez Robayna, Patmos, in Europe, Revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2018 n° 1075-1076, pp. 242-243. Traduit de l’espagnol par Claire Laguian.





    ANDRÉS SÁNCHEZ ROBAYNA


    Andres-Sanchez-Robayna
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur la plateforme Vimeo en ligne)
    Patmos. Ainsi le commencement (vidéo-poème)
    → (sur YouTube)
    Patmos, lu par Andrés Sánchez Robayna (2012)
    le site d’Andrès Sánchez Robayna





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • José Vidal Valicourt | [Tu attends que le temps se termine]


    [ESPERAS A QUE ACABE EL TIEMPO]



    Esperas a que acabe el tiempo.
    Sin biografía, proporcionas a la llanura una verticalidad que muchos calificaràn, con razón, de absurda.

    El cemento se extiende y los sacrificios son inaudibles.
    Los aullidos han sido ya escritos.

    La infancia del cielo.

    Escribes en la arena.
    Sabes que el viento barrerá esta caligrafía: tus huellas.

    Simplemente, el tiempo.
    Esa destrucción.

    Palabras que se despeñan y que al caer no hacen ningún ruido.

    Una mujer se aproxima.
    Su desnudez ácida.

    Caen más piedras.

    Insiste el mineral.
    Resiste la carne.
    La piel necesita saliva, paños fríos.

    La escritura marca distancias.
    El horizonte se vuelca: pobreza y metralla.
    La escritura horada la arena.
    Excava y desaparece.
    Su misión es pasar desapercibida.
    Cada limón puede ser un proyectil.






    [TU ATTENDS QUE LE TEMPS SE TERMINE]



    Tu attends que le temps se termine.

    Sans biographie, tu donnes à la plaine une verticalité que beaucoup qualifieront, en toute raison, d’absurde.

    Le ciment se répand et les sacrifices sont inaudibles.
    Les aboiements ont déjà été écrits.

    L’enfance du ciel.

    Tu écris sur le sable.
    Tu sais que le vent effacera cette calligraphie : tes traces.

    Tout simplement, le temps.
    Cette destruction.

    Des mots qui se décrochent et ne font pas de bruit en tombant.

    Une femme s’approche.
    Sa nudité acide.

    D’autres pierres tombent.

    Le minerai insiste.
    La chair résiste.
    La peau a besoin de salive, de tissus froids.

    L’écriture marque ses distances.
    L’horizon se retourne : pauvreté et mitraille.
    L’écriture creuse le sable.
    Elle creuse et disparait.
    Sa mission est de passer inaperçue.
    Chaque citron peut devenir un projectile.



    José Vidal Valicourt, Meseta/Le Plateau, Atelier de l’Agneau, collection “bilingue”, 33220 Saint-Quentin-de-Caplong, 2017, pp. 42 et 8. Traduit de l’espagnol par Gilles Couatarmanac’h.






    Valicourt




    JOSÉ VIDAL ALICOURT



    Jose Vidal Valicourt
    Source




    José Vidal Valicourt est né à Palma de Majorque en 1969. Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes parmi lesquels Encuentros y fugas (Opera Prima, Madrid, 1999), Ruido de fondo (Calima, Palma de Majorque, 2000), La playa de las gaviotas cojas (Opera Prima, Madrid, 2003), La fiebre de los taciturnos (premier prix de poésie de la Fondation María del Villar Berruezo, Tafalla, Navarra, 2003), La casa de Mallarmé (prix Leanor de poésie, commune de Soria, 2004), Zona de nadie (Xe Prix de poésie José Espronceda, Ediciones del Oeste, Estrémadure, 2005). Meseta (El Gaviero Ediciones, 2015) est son premier recueil traduit en français, quelques pages de Lisboa Song ayant paru dans la revue L’Intranquille, n° 8 et 9 (2015).




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur lelitteraire.com )
    une lecture de Meseta/Le Plateau par Jean-Paul Gavard-Perret





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  • César Vallejo | Chapeau, Manteau, Gants



    Cafe de la Regence
    Paris : Le Café de la Régence, en 1900







    CHAPEAU, MANTEAU, GANTS



    En face de la Comédie-Française, se trouve le Café
    de la Régence ; il y a là une salle
    cachée, avec un fauteuil et une table.
    Lorsque j’entre, la poussière immobile est déjà debout.

    Entre mes lèvres faites liège, le bout
    d’une cigarette fume, et dans la fumée l’on voit
    deux intenses fumées, le thorax du Café,
    et dans le thorax un oxyde profond de tristesse.

    Il importe que l’automne se greffe sur les automnes,
    il importe que l’automne s’intègre dans les bourgeons,
    le nuage dans les semestres ; dans les pommettes, la ride.

    Il importe de passer pour fou en postulant
    que chaude est la neige, fugace la tortue,
    simple le comment et le quand fulminant !



    César Vallejo, Poèmes Humains in Europe, revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2017, n° 1063-1064, page 23. Traduit de l’espagnol par Florence Delay.







    Vallejo







    SOMBRERO, ABRIGO, GUANTES



    Enfrente a la Comedia Francesa, està el Cafè
    de la Regencia ; en él hay una pieza
    recóndita, con una butaca y una mesa.
    Cuando entro, el polvo inmovil se ha puesto ya de pie.

    Entre mis labios hechos de jebe, la pavesa
    de un cigarrillo humea, y en el hume se ve
    dos humos intensivos, el tórax del Café
    y en el tórax, un óxido profundo de tristeza.

    Importa que el otoño se injerte en los otoños,
    importa que el otoño se integre de rotoños,
    la nube, de semestres ; de pómulos, la arruga.

    Importa oler a loco postulando
    ¡qué calida es la nieve, qué fugas la tortuga,
    el cómo qué sencillo, qué fulminante el cuándo !



    César Vallejo, Poemas humanos (1923-1938), Les Éditions des Presses modernes, Au Palais Royal, juillet 1939. Supervision de Georgette Marie Philippart.





    CÉSAR VALLEJO


    Vallejo-portraitpicasso1
    Pablo Picasso, Portrait posthume
    de César Vallejo,
    1938





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Esprits Nomades)
    César Vallejo, Une alchimie de l’incandescence et de la révolte
    → (sur le site de Libération)
    Vallejo, Valse trilce, par Philippe Lançon





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