Étiquette : Valéry Meynadier


  • Valéry Meynadier | [Je veux choyer votre absence]


    [JE VEUX CHOYER VOTRE ABSENCE]




    Je veux choyer votre absence
    Lui parler
    Me caresser à travers elle
    La bénir
    Elle existe & vous contient toute entière

    Mais
    Si
    Elle devait persister
    Alors que j’ai dit à mon ventre
    À mon âme

    Si
    Elle rentrait dans la durée

    Attaquée au burin



    Vous ne me manquez pas
    Ce n’est pas du manque
    Plutôt une urgence qui brûle

    J’ai fait ce que j’avais à faire
    Même mourir

    Mes affaires sont en règle

    Je n’ai plus qu’à vous aimer




    Valéry Meynadier, La Morsure de l’ange, éditions Al Manar, Collection Erotica, 2020, pp. 28-29. Encres de Rachid Koraïchi.






    Valéry Meynadier  La Morsure de lange 2




    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier NB 2
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Divin danger (lecture d’AP)
    Daou (extrait de Divin danger)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    une notice sur Valery Meynadier




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  • Valéry Meynadier, Divin danger

    par Angèle Paoli

    Valéry Meynadier, Divin danger,
    éditions Al Manar, Collection Erotica, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « MERCI POUR CETTE FEMME »



    Ni bacchante ni ménade, elle est femme libre qui a l’audace d’exposer au grand jour ses amours saphiques. Femme magnifique, brûlante dame tout habillée des ondulations de son « rire de chevelure », Valéry Meynadier se livre entière attachée à ses sens ainsi qu’à l’écriture érotique de ses passions. Érotisme / Écriture. Deux entrées indissociables pour accéder aux arcanes de Divin Danger. La première de couverture, illustrée par un dessin d’Albert Woda, expose le corps nu d’une femme abandonnée aux pâmoisons de l’amour. Plus explicite est le dessin de la double page de faux-titre, corps-à-corps de deux femmes livrées à leur passion amoureuse. Ce paratexte voluptueux est encore souligné par l’intitulé de la collection, Erotica, des éditions Al Manar. Un dernier dessin de deux femmes enlacées clôt cet ouvrage qui convoque dans nos mémoires une longue tradition de chants d’amours lesbiennes ou de toiles de même inspiration. Je pense notamment au Sommeil, peint en 1866 par Gustave Courbet. Mais aussi aux écrits de Natalie Clifford Barney, dite « l’Amazone », et surtout aux poèmes de Renée Vivien, à ces Évocations sublimes publiées en 1903 par l’éditeur Alphonse Lemerre.

    « DOUCEUR de mes chants, allons vers Mytilène,

    Voici que mon âme a repris son essor,

    Nocturne et craintive ainsi qu’une phalène

    Aux prunelles d’or. »

    Toutefois, l’héroïne des plaisirs de Divin Danger est davantage l’héritière déclarée de Dorothy Allison — citée dans l’exergue de l’ouvrage — que de Renée Vivien ou de « l’Amazone », Natalie Clifford Barney. Elle est une Virginie citadine qui se laisse surprendre au hasard des rencontres dans les bars, les pâtisseries, les salons particuliers, les hammams, les chambres à coucher de ses amantes de passage, les halls d’entrées des immeubles et les rames de métro.

    Mais tout commence pour Virginie à l’adolescence sur le « doux palier » de l’immeuble que ses parents partagent avec un couple de femmes dont l’enfant découvre, épie et appelle de ses vœux, les manifestations du « cruel bonheur ». « Onze ans d’impudent palier », cela forge une imagination et exacerbe les désirs. Le premier texte du recueil, « L’Emportée », évoque les émois que suscite en elle la « divine musique » qui monte des ébats de ces chères inconnues.

    Le poème d’ouverture est une affirmation de la différence, revendiquée au regard de tous. Un chant saphique pleinement assumé :

    « Je me sens loin des hommes et je m’y sens si bien que ça fait mal. Mon saphisme est une différence de plus.

    J’ai pleinement abandonné la terre des hommes.

    J’aime les femmes et personne ici ne me le reproche.

    La mer est sans reproche.

    Je suis passée à l’autre comme on passe de l’autre côté. J’ai rencontré le corps de la femme comme le criminel son meurtre. Comme l’interprète son instrument.

    Plus jamais je n’oublierai. »

    Le danger qui a longtemps menacé l’homosexualité se mue ici en une expérience séraphique. Laquelle se réitère à chaque rencontre. L’amour n’est-il pas « ascensionnel, comme la prière » ? « Quand je la regardais, j’entrais en religion », lance Sada à Virginie. « Comme le mystique cherche à atteindre Dieu, à travers la prière, je cherche à atteindre l’amour à travers la Femme, ma toute route à moi », conclut Virginie dans sa relation à Sada.

    Une histoire prend fin, une autre commence. Chacune d’elles porte en titre le nom d’une femme. Doriane/Dorothy/Daou… Puis Christine, Sada. Ou encore les pronoms ELLE/ELLES. Les situations sont diverses. Les lieux aussi. Tout se joue dans le face-à-face, le dos-à-dos. Jeux de mains, jeux de regards, jeux de jambes, tout du corps est en éveil. Langue / doigts / peau / lèvres / humeurs / écume / mouvements. Externe / interne. Tout est vibration et sensualité. Les sentiments sont exacerbés. De l’amour à la haine. Du désir à la honte. De la jalousie à la « pire douleur », celle de se découvrir indésirée. De la passion à l’anéantissement. Et pour dire tout cela, il faut oser. Pour rendre compte de ces tensions extrêmes, il faut oser tous les registres de vocabulaire, toute la palette des sensations. De la tendresse la plus vive jusqu’aux détails physiques les plus crus. La narration est enlevée, alerte ; les dialogues s’enchaînent qui n’appesantissent pas le récit. L’écrivaine pare au plus pressé, veille à ne pas retenir l’urgence du plaisir. Elle évoque avec talent sa connivence avec les femmes, cette immédiateté sans pareille. L’irrémissible prend source dans la rencontre, la reconnaissance complice entre les peaux, les effleurements, secrets ou assurés.

    Dans la scène du métro, les femmes font corps autour de Dorothy et de Virginie. Sans s’être donné le mot, d’instinct, elles forment « rempart » autour des deux amantes dans la foule. Elles se font « apôtres de leur plaisir ». Tous les savoirs sont conjugués. « Le phantasme doué de réalité est divin ». Sexe et sacré se conjuguent dans le même temps, dans la même rame. Bondée. Il faut de l’audace. La scène et les mots mis sur scène. Le réel, même nauséabond, se pare de beautés, de convoitises alléchantes. D’un chapitre à l’autre, d’une amante à l’autre, les situations s’enchaînent, inattendues, cocasses. Les rapports se précisent. Maquereau / putain ; maîtresse / esclave. Parfois interrompus par le surgissement inopiné d’une vieille qui vitupère et alerte son monde. Éros au féminin, omniprésent, n’affuble ni les mots ni les gestes ni les mouvements. Pas davantage les odeurs ni le goût savoureux pour la fureur d’un clitoris déniché de sa gangue par langue experte. Mais les rencontres sont éphémères, qui laissent l’héroïne désemparée. Il arrive parfois que les mots se dérobent. Qu’ils échouent à dire un corps, à se saisir de l’autre. La vie reprend le dessus avec la soif de liberté. Les noms se déclinent à nouveau, souvent dans leur duplicité. Dans l’écart qu’ils entretiennent entre réel et rêve. Face à cette dichotomie déchirante, comment faire se rejoindre les deux extrêmes ?

    L’une sort de scène, l’autre fait son entrée. « Chaque femme est une nouvelle terre ». Chaque nouvel amour s’inscrit dans le précédent et annonce peut-être celui qui est à venir. Mais toujours revient comme une vague de fond le souvenir de la première femme. Et, avec elle, la nostalgie de ce qu’a été cet amour et qui ne sera jamais plus.

    « Je t’ai aimée Doriane.

    On aime son bourreau. Sa première femme c’est la mer la première fois.

    Qu’y puis-je si cette mer était un bourreau ? »

    La séduction est école de vie. Chaque jour apporte sa nouveauté. D’où vient que ce sourire n’est pas inconnu à Virginie ? Il vient « de l’intérieur de moi », dit la narratrice. Rien n’arrête, rien ne vient s’interposer. Autres lieux autres attentes autres visages, superpositions entre le déjà vu et l’à venir. Dans l’espace labyrinthique du hammam, les odalisques lascivement déployées sont parées pour le plaisir. L’univers est celui-là même longuement fantasmé par les peintres orientalistes. Un même décor, un même alanguissement, une même indolence. Ici règnent « luxe calme et volupté ». Dans une sorte d’état extatique, Virginie traverse et confie :

    « Je suis dans l’étymologie de la femme, elle est là dans toute sa splendeur, à sa toilette, à sa détente, entre elles, en train de rire, dans cette vaste pièce divisée en six petites pièces où je n’ose m’aventurer, clouée sur place, des rigoles d’eau coulent entre mes sourcils, entre mes seins, Sylvie me demande si je vais bien. C’est trop beau, lui dis-je. Elle rigole elle aussi. L’art retrouve son innocence ici. Dans un des tableaux, une jeune fille se lave les cheveux au robinet incrusté dans le mur. Dans un autre, une femme remplit un seau bleu qu’elle verse ensuite sur son amie qui accueille l’eau froide à petits cris. Le troisième tableau me réserve la somnolence de trois corps et d’un ventre esquissé en oreiller. »

    Pour qui a fait l’expérience du hammam (en France ou ailleurs), ces lignes renvoient à un espace féminin incomparable. Tout cliché sur le corps féminin se noie devant la beauté et devant l’âge, quels que soient les profils et contours qu’offrent ces nudités.

    « L’étymologie de la femme ». L’expression me laisse sans voix. « Merci pour cette femme ». Qui ose cette vérité.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Valéry Meynadier  Divin danger





    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Daou (extrait de Divin danger)
    [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la page de l’éditeur sur Divin Danger
    → (sur Aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Divin Danger




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Renée Vivien | Atthis (poème extrait d’Évocations)
    → (sur Terres de femmes)
    Natalie Clifford Barney | C’était, je me rappelle…



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  • Valéry Meynadier | Daou



    DAOU




    Le Daou. Un corps. Juste baiser. Tu me plaisais bien. Comme tu me dis aujourd’hui : je t’aime un peu.

    Piégée.

    Je sentais en toi le commencement de mon cri. Juste une sensation.

    Quant à te décrire, tu m’en vois dans l’impossibilité. Tu ressembles plus à l’élément qu’à l’être humain et déjà, ce n’est plus vrai, les mots n’ont pas de prise sur toi.

    Tu as de grandes oreilles de petite souris.

    Voilà, déjà, tu as les oreilles décollées. Un visage de plein air, un sommeil de plein air, près de toi, je prends une autre respiration.

    Je te croyais une fantaisie charnelle, tu es mon abécédaire, ma soif et ma faim.

    Et mon sommeil n’en croit pas ses rêves. Lui, implacable guerrier solitaire, tu lui manques, il te cherche la nuit.

    Il me réveille, me demande où tu es…

    Hier, ton corps était là, chez moi — interlude sans nudité.

    Je m’enfonçais dans le mur sous la pression de tes doigts, de ta langue… sous une latitude où les règnes se confondent, le ciment devenait mousse… j’escaladais des prières abruptes comme des montagnes —

    Quand le téléphone a résonné

    […]

    – « Fais l’amour ! Le monde t’oubliera »

    Dans mon élan du monde qui oublie, je me retourne. Il est là. Assoupi sur le canapé. Il nous garde au chaud dans sa somnolence. Je respire.

    Un corps. Juste un corps.

    Je n’ai pour mémoire que mon sexe aujourd’hui.

    Il était en train de naître quand ma tante m’a dérangée.

    Mes lèvres balbutiaient une langue nouvelle.

    Ce corps, cette fille aux petits yeux fripons clos sur cet instant, au cœur des choses…

    Juste une fantaisie charnelle.

    Je croyais.

    C’est en aimant qu’on devient quelqu’un d’autre.

    Ma tante n’a jamais aimé de sa vie. Elle est restée imperturbablement elle-même jusqu’à cette misère qui suinte de sa langue.

    Mêler sa langue à une autre langue, c’est ça qu’elle devrait faire.

    […]

    C’est la nuit qu’elle me manque. Mon sommeil est amoureux de son sommeil. Ça ne m’était jamais arrivé d’aimer un sommeil.

    En général, c’est une matière qui m’embarrasse chez l’autre.

    Là…

    Quelquefois, elle s’endort sur moi, je sens un à un tous ses muscles se relâcher. Son souffle s’apaise. Sa bouche s’ouvre délicatement, elle me bave dessus absolument relâchée. Je ne savais pas encore que son petit corps pouvait se bander à ce point.

    On a dormi ensemble avant de faire l’amour.

    Dormir ne regarde que soi, pensais-je avant.

    Le sommeil de cette fille me regarde, me dis-je aujourd’hui. Je n’ai jamais rencontré un sommeil pareil.

    Eau massive, noyade sans noyade, je nage en elle quand elle dort, je ne peux plus jamais mourir, mon souffle est ailleurs qu’en mes poumons.

    Moitié femme moitié air. Juste de quoi vivre.

    Je vais apprendre à dormir comme le dauphin, d’un seul hémisphère.

    De l’autre, je nous observe.

    Qu’est-ce qui fait que j’aime dormir avec toi ?

    Jouir, à la rigueur. Mais dormir…

    La première chose quand elle s’en va : trouver le calme.

    Respirer.

    Chez moi c’est trop plein d’elle.

    Fuir la brûlure de l’espace que laisse l’orgasme derrière lui.

    Fuir au plus loin de nous.

    Je dois l’oublier, l’oublier, sinon, c’est moi que j’oublie. Je ne me reconnais plus.

    Jouir avec elle me coûte cher, très cher.

    L’oublier me demande une véritable mise en œuvre de détachement.

    Architecte en détachement, vous connaissez ?



    Valéry Meynadier, Divin danger, éditions Al Manar, Collection Erotica, 2017, pp. 35-39. Dessins Albert Woda.





    Valéry Meynadier  Divin danger





    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Divin danger (lecture d’AP)
    [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la page de l’éditeur sur Divin Danger
    → (sur Aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Divin Danger





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