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  • Andrea Zanzotto | Vocativo

    « Poésie d’un jour »
    Hommage à Andrea Zanzotto (I)



    Anziana donna veneziana sepia
    Source
    Mère, j’ignorai ton visage mais non l’angoisse
    toujours proliférante
    en tout recoin, en tout bien, dans chacun des actes par lesquels
    tu te révélais à moi,
    mais non l’amour sans remède
    qui de toi, monstre ou esprit, m’enveloppe
    et aridement me fébrilise.







    DA UN’ALTEZZA NUOVA



    I



    Ancora, madre, a te mi volgo,
    non chiedermi del vero,
    non di questo precluso
    estremo verde ch’io ignorai
    per tanti anni e che maggio mi tende
    ora sfuggendo; alla mia inquinata
    mente, alla mia disfatta pace.
    Madre, donde il mio dirti,
    perchè mi taci come il verde altissimo
    il ricchissimo nihil,
    che incombe e esalta, dove
    beatificanti fiori e venti gelidi
    s’aprono dopo il terrore ― e tu, azzurro,
    a me stesso, allo specchio che evolve
    nel domani, ancora mi conformi?
    Ma donde, da quali tue viscere
    il gorgoglio fosco dei fiumi,
    da quale ossessione quelle erbe
    che da secoli
    a me imponi?
    Amore a te, voce a te, o disciolto
    come nevi silenzio, come raggi
    rasi dal nulla: sorgo, e questo gemito
    che stringe, questo fiore che irrora
    di rosso i prati e le labbra, questa porta
    che senza moto si disintegra
    in canicole ed acque…

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    E, come da un’altezza nuova,
    l’anima mia non ti ricorda ―
    in scalinosi
    sogni, in impervie astenie,
    tra dolce fumo e orti approfonditi
    là sotto il lago, là nelle rugiade
    traboccanti, dall’occhio
    ereditati ancora,
    ancora al tocco triste
    dell’alba lievitanti…



    II



    Un senso che non muove ad un’immagine,
    un colore disgiunto da un’idea,
    un’ansia senza testimoni
    o una pace perfetta ma precaria:
    questo è l’io che mi désti, madre e che ora
    appena riconosco, né parola
    né forma né ombra?
    Al vero ― al negro bollore dei monti ―
    con insaziate lacrime
    ancora, ancora sottratto
    per un giorno all’aculeo del drago,
    ritorno e non so
    non so tacere.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Nulla dunque compresi
    del brancicare avido di bestie
    d’insetti e fiori e soli,
    nulla m’apparve del lavoro
    là sussurrato e sparso
    nei campi, aggrinzito nel nido,
    né il sudore m’apparve, l’altrui vigile
    combustione, ed io solo
    io trasceso
    in un feroce colloquente vuoto
    fronte e fronte m’attinsi?

    Calda la mano accarezza ancora il frutto.
    Nel vicolo il bambino e l’artigiano.
    Vivo il lume degli occhi nel profondo.
    Questo fu mio, né mai seppi, mai vidi?
    Per voi non m’allietai né piansi ancora?
    Madre ignorai il tuo volto ma non l’ansia
    proliferante sempre
    in ogni piega in ogni bene in ogni
    tuo rivelarmi,
    ma non l’amore senza riparo
    che da te, mostro o spirito, m’avvolge
    e aridamente m’accalora.




    Andrea Zanzotto, Vocativo (estratto), Mondadori, Collana Lo Specchio, Milano, 1957; 1981 (riveduta e ampliata) in Andrea Zanzotto, Tutte le poesie, Oscar Mondadori, Collezione Oscar poesia del Novecento, 2011, pp. 135-137.*



    ___________________________________________
    * Note d’AP : cet ouvrage est disponible en librairie (en Italie) depuis le 10 octobre 2011.







    D’UNE HAUTEUR NOUVELLE



    I



    C’est encore vers toi que je me tourne, mère,
    de cette extrême forclusion,
    de mon esprit pollué,
    de ma paix défaite, n’exige pas
    la vérité, ni de ce vert que j’ignorai
    durant tant d’années et que maintenant mai
    me tend en s’échappant.
    D’où ce dire, mère,
    parce que tu me fais taire, autant que le vert très haut,
    le très riche nihil,
    qui menace et exalte, où,
    après la terreur, éclosent
    des fleurs béatifiantes et des vents glacés — et toi, azur,
    me conformes-tu encore à moi-même,
    au miroir qui évolue dans le lendemain ?
    Mais d’où, de quelles entrailles tiennes,
    de quelle obsession, de quelles herbes
    m’imposes-tu
    depuis des siècles
    le gargouillis sombre des fleuves ?
    A toi amour, voix tienne, ou dissous comme
    neiges, silence, comme rayons
    effleurés par le néant : je surgis, et ce gémissement
    qui étreint, cette fleur qui irrigue
    de rouge les prés et les lèvres, cette porte
    qui sans mouvement se désintègre
    en eaux et canicules…

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Et comme d’une hauteur nouvelle,
    mon âme de toi ne se souvient —
    degrés
    en rêves, en inaccessibles asthénies,
    parmi la douce fumée et les potagers approfondis,
    là, sous le lac, là dans les rosées
    débordantes, par l’œil
    encore héritées,
    encore, au triste tintement
    de l’aube levant…



    II



    Un sens qui ne tend à une image,
    une couleur disjointe d’une idée,
    une angoisse sans témoins
    ou une paix parfaite mais précaire :
    mère, est-ce là le moi qui, ni parole, ni forme,
    ni ombre, m’éveilla et que je reconnais
    désormais à peine ?
    Au véritable — au nègre bouillonnement des monts —
    avec d’insatiables larmes,
    encore, encore soustrait,
    tout un jour à la dent du dragon,
    je retourne et ne sais,
    ne sais me taire.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Ne compris-je donc rien
    du tâtonnement avide de bêtes,
    d’insectes et fleurs et soleils,
    rien ne m’apparut-il du travail
    là sussuré et répandu
    par les champs, chiffonné dans le nid,
    ni la sueur ne m’apparut, la vigilante
    combustion d’autrui, et moi, seul,
    moi, dépassant les bornes,
    face à face, en un féroce vide entretien
    bavard, m’atteignis-tu ?

    Chaude la main caresse encore le fruit.
    Dans la ruelle, l’enfant et l’artisan.
    Là est vivante la lumière des yeux dans le profond.
    Cela fut-il mien, jamais je ne le sus, jamais je ne le vis ?
    Pour vous je ne me réjouis ni ne pleurai encore ?
    Mère, j’ignorai ton visage mais non l’angoisse
    toujours proliférante
    en tout recoin, en tout bien, dans chacun des actes par lesquels
    tu te révélais à moi,
    mais non l’amour sans remède
    qui de toi, monstre ou esprit, m’enveloppe
    et aridement me fébrilise.




    Andrea Zanzotto, Vocativo (extrait) in Revue franco-italienne Vocativo, n°1, « Autour d’Andrea Zanzotto », Printemps 1986, éd. Arcane 17, Nantes, pp. 71-75. Traduction de Philippe Di Meo. *



    __________________
    * Note d’AP : le recueil Vocatif est disponible en traduction française depuis janvier 2017 (éditions Maurice Nadeau). Voir ma note de lecture.





    ANDREA ZANZOTTO

    Zanzotto
    Source



    ■ Andrea Zanzotto
    sur Terres de femmes

    10 octobre 1921 | Naissance d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de Fosfeni)
    18 octobre 2011 | Mort d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de La Beltà)
    (Anticicloni, Inverni) (poème extrait de Fosfeni)
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    Comment puis-je oser vous appeler ici (poème extrait d’Idioma)
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    Vocatif, suivi de Surimpressions (lecture d’AP)
    A.Z. [Andrea Zanzotto], par Jacqueline Risset (Hommage à Andrea Zanzotto [II])



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans La Repubblica du 19 octobre 2011)
    Andrea Zanzotto, il poeta guerriero, par Antonio Tabucchi
    → (sur YouTube)
    Ritratti – Andrea Zanzotto (un film di Carlo Mazzacurati e Marco Paolini, regia di Carlo Mazzacurati, 2000)[49min 28′ => fiche du film]
    → (sur YouTube)
    Onstage Outstage (omaggio ad Andrea Zanzotto)
    → (sur Books.google)
    Jean Nimis, « Un processus de verbalisation du monde » : perspectives du sujet lyrique dans la poésie d’Andrea Zanzotto, Franco Italica, 2, Peter Lang, 2006
    → (sur remue.net)
    L’Opéra fabuleux d’Andrea Zanzotto, par Ronald Klapka





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