VOIR DE FACE
(extraits)
[…]
Ici, ici donc, les murs obsédants,
ils le sont plus qu’ailleurs, on les croit lisses,
on croit en les fixant sortir de soi, bloquer
ce qui remue sous les paupières
dans un fatras de visions noires,
l’effroi s’aggrave : de leurs entrailles monte
une vermine épaisse, proliférante,
désespérant de trouver une issue
à travers les regards, puis les membres,
puis le reste où le sommeil ne viendra pas.
[…]
Combien de minutes, de saccades, avant
que l’on s’immobilise, on tient à le savoir,
sans montre, on comptera les portes
signalées par un voyant rouge, aucun calcul
ne restitue le sens de la durée,
ne délivre une perspective,
mais il suffit de balbutier un mot,
« porte », par exemple, pour que le souffle y puise
de quoi ébranler la mémoire, remuer l’air
au grand air des syllabes,
la résonance où se rallume un visage
à l’écoute, celui auquel on s’adresse
en le tutoyant.
[…]
Pierre Dhainaut, « Voir de face », Après, éditions L’herbe qui tremble, 2019, pp. 12, 15. Aquarelles de Caroline François-Rubino.
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