Étiquette : Yves Namur


  • Yves Namur, Dis-moi quelque chose, « Le Printemps »



    Collage pour Yves Namur
    Photocollage, G.AdC









    DIS-MOI QUELQUE CHOSE, « LE PRINTEMPS »
    (extraits)




    Dis-moi quelque chose
    Qui se tiendrait à côté de nos hésitations

    Inonderait ponts et chaussées
    Percerait de part en part le vide
    La voie lactée

    Et ta bouche déchirée


    Avec Israël Eliraz






    Dis-moi quelque chose
    Que je l’assoie maintenant sur le seuil

    Là-même
    Où le temps s’est posé
    Entre la vie les grains de blé

    Et les soupirs d’une inconnue





    […]






    Dis-moi quelque chose
    Qui réveille la ruche obscure

    Entrouvre portes et fenêtres
    Et lance soudain une flèche
    Vers le ciel

    Et ses amours bourdonnantes





    Dis-moi quelque chose
    Qui ne soit pas simplement

    Une bouche de fumée
    De terre oubliée et amère
    Qui soit un peu de lumière

    Malgré tout


    Avec Paul Celan




    Yves Namur, « Le Printemps », 65, 66, 69, 70, Dis-moi quelque chose, éditions Arfuyen, collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 248, 2021, pp. 81, 82, 85, 86.






    Yves Namur  Dis-moi quelque chose 2




    YVES NAMUR


    YVES NAMUR (1)
    Source




    ■ Yves Namur
    sur Terres de femmes


    [Aujourd’hui j’ouvre des livres] (extrait de Ce que j’ai peut-être fait)
    Les Lèvres et la Soif (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    [un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres] (extrait des Lèvres et la Soif)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Dis-moi quelque chose d’Yves Namur
    → (sur le site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique) une notice bio-bibliographique sur Yves Namur





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  • Yves Namur, Les Lèvres et la Soif

    par Marie-Hélène Prouteau

    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif,
    Éditions Lettres Vives, Collection Terre de poésie, 2016.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau


    Yves Namur est un poète et éditeur belge de langue française. Son œuvre riche d’une quarantaine de titres a été couronnée par plusieurs prix prestigieux, dont, pour n’en citer qu’un, le prix Mallarmé.

    Ce recueil, Les Lèvres et la Soif, paru aux Éditions Lettres Vives, porte en sous-titre « Élégies ». Voilà qui pose la voix d’Yves Namur, de manière quelque peu nouvelle. Le poète du questionnement intérieur rajoute ici une corde à sa lyre et chante l’amour heureux sur fond de monde qui ne l’est pas. Car il s’agit bien ici de chant et de musique, les distiques et tercets élégiaques en sont une des marques.

    Plus encore, la structure musicale du recueil s’ordonne en deux parties bien marquées. Il y a le geste tendre du poète pour la femme aimée dans la première, auquel correspond celui de la femme dans la seconde : ce baiser donné et reçu et qui ne sera jamais nommé. Autour d’un simple mouvement, plus deviné qu’entrevu, une composition en miroir et variations, éminemment dynamique. La forme musicale enlace une guirlande de répétitions, réitérations posées puis reprises avec des variantes. Ainsi, le motif central de l’oiseau apparu dès le premier vers du recueil, « un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres », se voit repris plus loin, transformé, associé ici aux motifs de la soif et du poème :

    « un oiseau s’est penché sur tes lèvres,

    sur la fontaine de soif, sur un désir de pommes

    et de poèmes »

    Ce sont ces reprises qui enchantent. Telle encore l’apparition de la femme aimée qui ponctue le recueil, « et toi belle espérée de la maison » devenant « et toi, douce espérée du temps ».

    Quant au questionnement sur la création du poème en train de s’écrire, il traverse tout le recueil. Work in progress. Qu’est-ce qu’écrire un poème ? Et singulièrement un poème d’amour ? Est-ce, comme l’écrit Yves Namur, retrouver « le commencement des choses » ? Nous entendons la pensée vive prendre corps, en contrepoint de l’expérience amoureuse. Très souvent, l’italique la souligne, tel un arrêt spéculaire du poème sur lui-même :

    « un poème

    peut-il sortir du souffle de l’amour »

    Yves Namur a su composer une imagerie personnelle qui se déploie en un fin réseau : l’oiseau, l’abeille sur le fruit, la montagne blanche, le nuage et les hauteurs, la fenêtre, la fontaine sans eau — qui dessine en pointillé le motif de la soif, autre visage du désir. Le poète ne se départit pas de la simplicité qui lui est familière :

    « mène-moi dans le geste de l’air

    dans le nuage bleu de poussières et d’oiseaux »

    Et, lorsque le poème en éveil s’aventure au dehors, il célèbre la nature, à sa façon, toute en économie de mots et humilité poétique :

    « avec la rosée du temps

    avec la rose dansante dans l’herbe »

    Ce recueil renvoie aux poètes de prédilection d’Yves Namur. Philippe Jaccottet, Roberto Juarroz, Paul Celan sont là. L’exergue de la seconde partie nous renvoie à la lumière héraclitéenne qui en infuse chaque page. Comme à la conception de l’amour mystique de Rumi. Le poète persan qui voit en l’amour un principe de l’univers y est cité. La femme aimée, pour Yves Namur, est celle qui est « venue dans le cœur fatigué qui était le mien », jamais nommée, même dans la dédicace. Je et Tu, nous n’en saurons pas plus. Le parti-pris de la retenue n’exclut pas certaines images plus brillantes, celle de la femme comparée à une merveille, trouvée chez ce poète du XIIIe siècle.

    Pour dire ce geste amoureux du baiser, il suffit au poète de quelques mots, « bouche, lèvres, souffle », juste évoqués par métonymie. On est frappé par cette écriture oblique. À la matérialité physique d’un corps présent, quoiqu’à peine effleuré, touché, une image est substituée qui dépayse, déréalise, déporte le motif et sublime l’érotisme. C’est ainsi que l’oiseau-baiser devient « l’haleine d’un songe ou un charbon de neige ». La réalité vacille et bascule en un jeu de métamorphoses. Pointe le motif du charbon, de la brûlure d’amour qui sera repris plus loin, par glissement de sens, en cette image empruntée à Philippe Jaccottet, « comme si c’était du charbon ardent sur la bouche ».

    Le poète persiste à le dire, il chante la voix de la femme :

    « une voix remplie de poèmes,

    de pierres noires et de roses volantes dans les airs »

    Les « roses volantes » côtoyant des « pierres noires », voilà qui renouvelle le topos affadi de la rose. Le langage poétique existe à neuf. Sans emphase, à la mesure de l’émotion qui la fait naître. C’est que le bonheur amoureux ouvre la pente de la rêverie — les mots « rêve » et « songe » font retour dans plusieurs distiques. De nombreuses associations, telle celle du baiser, de l’oiseau et du ciel nous ouvrent un vaste monde analogique. Un imaginaire surréel dont « le ciel constellé de roses » nous emmène dans quelque tableau de Chagall. Ou de Magritte, avec « L’Oiseau du ciel », silhouette d’oiseau emplie de nuages qui traverse un ciel.

    « qui de l’oiseau ou du poème fut le premier dans les nuages,

    le premier à percer la muraille d’air et la muraille

    du vide »

    N’est jamais oubliée la part de la nuit, celle des douleurs quotidiennes entrevues par le poète, « larmes, solitudes, décombres » ; celle aussi de l’empathie absolue avec « l’homme fuyant le pays des cendres/et du triste ». Celan, nommé et cité dans un vers de La Rose de personne, Celan, toujours présent au cœur d’Yves Namur. Comment ne pas penser à La Tristesse du figuier ? Voilà qui relie le poète captif de son geste d’amant heureux à l’aventure tragique de l’humanité qu’il ne cesse de discerner autour de lui.

    Il est vrai que ce baiser à la femme aimée ouvre un horizon au-delà de lui-même. L’ombre tutélaire de Rilke y incite. Le poète de Prague est d’abord présent dans le sous-titre du recueil qui pointe en filigrane ses Élégies de Duino. De sa familiarité avec Rilke, Yves Namur retient le chant du monde, celui qui se donne à portée de main, dans « l’Ouvert », flux primitif de vie avec lequel l’homme, parfois, arrive à fusionner. Yves Namur nous invite à cette saisie authentique qui réponde à la « soif infinie d’être » qui le tient de recueil en recueil. Nous voici, à sa suite dans une de ses plus belles pages, « au bord de l’immense question ».

    Dans cet amour pour la femme, c’est ainsi autre chose qui est accordé : la capacité à sortir de soi, à aller vers « le cœur de ces hommes/qui ont marché avec les amours perdues/les prières et les pierres pesantes ». L’amour se fait le passeur qui met le poète de plain-pied avec les expériences humaines d’humbles compagnons. Lumineuse leçon qui clôt tout le recueil sur ce point d’orgue :

    « aimer encore

    et encore »

    Il faut entendre cette musique de la réitération, autour du verbe aimer, sans doute le plus banal, rehaussé par cette respiration de l’adverbe. On relève la tête du recueil. Quelque chose d’ample, d’universel, quoique ténu et humble, affleure.

    C’est la poésie qui chante, la poésie qui confère sa hauteur à la voix magnifique du poète.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes







    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif





    YVES NAMUR


    YVES NAMUR (1)
    Source




    ■ Yves Namur
    sur Terres de femmes


    [Aujourd’hui j’ouvre des livres] (extrait de Ce que j’ai peut-être fait)
    Dis-moi quelque chose, « Le Printemps »
    [un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres] (extrait des Lèvres et la Soif)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    une recension des Lèvres et la Soif par Pierre Kobel
    → (sur le site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique)
    une notice bio-bibliographique sur Yves Namur




    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes


    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même



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  • Yves Namur | [un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres]




    Aubord du vide
    « un oiseau s’est ainsi posé au bord du vide »
    Ph., G.AdC








    [UN OISEAU S’EST POSÉ AUJOURD’HUI SUR TES LÈVRES]





    un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres,


    comme si c’était un infime tremblement de paille
    ou de la poussière blanche,

    comme si c’était l’haleine d’un songe
    ou un charbon de neige,


    un oiseau s’est ainsi posé au bord du vide,
    au bord de la pensée,

    tout au bord du silence,
    tout au bord d’un poème entrouvert,




    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif, Élégies, Éditions Lettres Vives, Collection Terre de poésie, 20213 Castellare di Casinca, 2016, page 13.






    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif




    YVES NAMUR


    YVES NAMUR (1)
    Source




    ■ Yves Namur
    sur Terres de femmes


    [Aujourd’hui j’ouvre des livres] (extrait de Ce que j’ai peut-être fait)
    Dis-moi quelque chose, « Le Printemps »
    Les Lèvres et la Soif (lecture de Marie-Hélène Prouteau)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur La Pierre et le Sel)
    une recension des Lèvres et la Soif par Pierre Kobel
    → (sur le site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique)
    une notice bio-bibliographique sur Yves Namur





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  • Yves Namur | [Aujourd’hui j’ouvre des livres]




    Quelles infimes particules composent la lumière Ou la pleine obscurité
    Ph., G.AdC






    [AUJOURD’HUI J’OUVRE DES LIVRES]



    Aujourd’hui j’ouvre des livres,
    Je referme les livres et j’interroge.


    Qu’est-ce que la légèreté,
    Qu’est-ce que l’air et le poids de l’air ?

    Quelles infimes particules composent la lumière
    Ou la pleine obscurité ?
    Quelles autres sont-elles dans le vide ?

    Combien de cercles entourent le temps,
    Les hommes ou la mort ?


    Quel sens donner à toutes ces choses
    Qui sont dans le monde ?


    Je m’interroge,

    Et parfois je me demande que faire,
    Si la pluie soudain venait à tomber dans le poème.


    À Pedro Tamen



    Yves Namur, Ce que j’ai peut-être fait, Choix de poèmes, Éditions Lettres Vives, Collection Terre de poésie, 2013, page 56. Préface de Lionel Ray.







    Yves Namur, Ce que j'ai peut-être fait




    YVES NAMUR


    YVES NAMUR (1)
    Source




    ■ Yves Namur
    sur Terres de femmes


    Dis-moi quelque chose, « Le Printemps »
    Les Lèvres et la Soif (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    [un oiseau s’est posé aujourd’hui sur tes lèvres] (extrait des Lèvres et la Soif)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique)
    une notice bio-bibliographique sur Yves Namur





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