9 novembre 1918 | Mort de Guillaume Apollinaire


Éphéméride culturelle à rebours



Il y a cent deux ans, le 9 novembre 1918, atteint par la grippe infectieuse qui ravage Paris, Guillaume Apollinaire succombe à 5 heures du soir. Le poète est inhumé au Père-Lachaise.

Le 10 novembre 1917, un an avant la mort d’Apollinaire, avait paru au Mercure de France Vitam impendere amori, recueil de 6 poèmes réalisé en collaboration avec André Rouveyre (huit bois gravés).






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Ph., G.AdC






VITAM IMPENDERE AMORI


I


L’Amour est mort entre tes bras
Te souviens-tu de sa rencontre
Il est mort tu la referas
Il s’en souvient à ta rencontre

Encore un printemps de passé
Je songe à ce qu’il eut de tendre
Adieu saison qui finissez
Vous nous reviendrez aussi tendre





II

Dans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculent

O mains qu’enchaîne la mémoire
Et brûlantes comme un bûcher
Où le dernier des phénix noire
Perfection vient se jucher

La chaîne s’use maille à maille
Ton souvenir riant de nous
S’enfuit l’entends-tu qui nous raille
Et je retombe à tes genoux





IV

Tu descendais dans l’eau si claire
Je me noyais dans ton regard
Le soldat passe elle se penche
Se détourne et casse une branche

Tu flottes sur l’onde nocturne
La flamme est mon cœur renversé
Couleur de l’écaille du peigne
Que reflète l’eau qui te baigne






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Ph., G.AdC





VI

O ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon

Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Un clown est l’unique passant

Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri

La vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir

ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison




Guillaume Apollinaire, Vitam impendere amori, in Œuvres poétiques, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, pp. 157, 158, 161, 162.



GUILLAUME APOLLINAIRE


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■ Guillaume Apollinaire
sur Terres de femmes


26 août 1880 | Naissance de Guillaume Apollinaire
28 février 1912 | Première exposition de Marie Laurencin (+ poème « Marie » lu par Apollinaire)
10 juillet 1914 | Apollinaire, Dessins d’Arthur Rimbaud
26 avril 1915 | Lettre de Guillaume Apollinaire à Lou
8 mai 1915 | Lettre de Guillaume Apollinaire à Lou
17 juin 1915 | Publication de la Case d’Armons d’Apollinaire
15 avril 1918 | Publication de Calligrammes d’Apollinaire
Les dicts d’amour à Linda




■ Voir aussi ▼

→ (sur fr.calameo.com)
Bibliophilie apollinarienne





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Commentaires

  1. Avatar de Christiane
    Christiane

    Une jolie lettre d’André Billy (Apollinaire vivant, Paris, Editions de la Sirène, 1923) :
    « Ce n’était pas seulement la chaleur qui me déprimait, c’était aussi ce sentiment fade, sans limites, sans contours, plus triste que la tristesse, qui se dégage des tombeaux. Je me suis redressé, j’ai embrassé le champ d’un coup d’oeil et, renonçant à poursuivre mes vaines recherches, je t’ai interpellé dans mon coeur, je t’ai crié : « Guillaume, me voici ! Tu m’entends, n’est-ce pas ? C’est moi, c’est Billy, c’est ton ami. Quand je montais à ton pigeonnier du boulevard Saint-Germain et que, quoique tu m’eusses donné rendez-vous, tu n’y étais pas, je redescendais furieux. Cette fois, si nous ne nous rencontrons pas, ce sera de ma faute. Tu es ici, pauvre vieux, tu es certainement ici.
    Chez toi, boulevard Saint-Germain, il m’arrivait de t’entendre marcher avec précaution dans le corridor, et me retournant, je voyais ton oeil boucher le petit trou pratiqué dans le mur, par où tu t’assurais de l’identité de tes visiteurs, et je dois dire qu’alors tu ne me faisais pas l’offense de me laisser dans l’escalier…
    Hélas ! ta tombe n’a pas d’ouverture, et tu n’y as rien à redouter des fâcheux. Tu ne peux me voir, mais peut-être sais-tu quand même que je suis près de toi, que je te cherche…. »

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