Claude Esteban | Bleu, bleu surtout

Topique : Bleu
«  Poésie d’un jour  »


Très loin dans mon souvenir- la trace des mots perdus . fen-tre- .bleu- bleu surtout.
Ph., G.AdC







BLEU, BLEU SURTOUT



Ce matin, je ne voudrais écrire que la clarté du ciel et tous les mots qui me viennent en mémoire sont encore lourds de la nuit passée et me trahissent. On imagine les signes verbaux comme une sorte de réserve toujours disponible où l’on puise à son gré et qu’il ne reste donc qu’à les assembler avec plus ou moins de justesse, selon ses goûts et peut-être la force de son génie. Mais c’est ne rien savoir de la nature propre du langage, des énergies qui le traversent, de cette vie mystérieuse dont il est le réceptacle et qui ne s’accorde à nous que par instants. Car les mots, et les plus familiers, dès lors qu’on les sollicite à des fins précises, résistent et parfois se refusent. Ils ont mille façons surprises, et si nous feignons de l’ignorer et de poursuivre, ils nous entraînent alors dans leurs labyrinthes et nous abandonnent aux ports du silence. Je voulais dire seulement cette clarté du ciel, et, sans que je puisse en déterminer le motif, s’interpose, tel un écran, une myriade de notions noires. Et que brouillards, ténèbres, murailles, carapaces prennent le dessus, investissent mon esprit, paralysent mon désir d’écrire simplement la pure luminosité du ciel, et ce n’est que plus tard, quand j’aurai renoncé à ma tâche, que je discernerai, très loin dans mon souvenir, la trace des mots perdus : cristal, fenêtre, arbre, bruyère, bleu, bleu surtout.



Claude Esteban, La Mort à distance, poèmes, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2007, page 73.




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NOTE : ce 26 juillet est la date anniversaire de la naissance de Claude Esteban (mort à Paris le 10 avril 2006).






CLAUDE ESTEBAN


CLAUDE ESTEBAN



■ Claude Esteban
sur Terres de femmes

Les ronces m’ont déchiré
un poème extrait du recueil La Mort à distance
→ (sur Semenoir)
lire au soleil Claude Esteban…







Yblue
Source


■ Anthologie du bleu
sur Terres de femmes


Nicolas Charlet | La Trilogie du bleu
Michèle Dujardin | Et bleu est je
Claude Esteban | Bleu, bleu surtout
Alain Freixe | Bleu plié au noir
Olav H. Hauge | Le pays bleu
Valère-Marie Marchand | Le Grand Bleu
Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu
Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad
Dominique Sorrente | Je t’envoie ma chanson des jours bleus
All blues
→ (Série Instables a cappella)
Bleu plexiglas
Bleu de Prusse
→ (Série Instables a cappella)
Blues déjantés
L’ombre portée du palmier bleu
Plume de geai bleu
→ (Série Instables a cappella)
Les sons cris du piano bleu
2 janvier 1957 | Exposition Yves Klein à Milan





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Commentaires

  1. Avatar de sylvie durbec
    sylvie durbec

    Merci, Angèle.
    Le bleu et surtout la fragmentation.
    Et Esteban.
    Mort le jour de mon anniversaire.
    Esteban dont nous parlions avec une amie qui ignorait sa disparition.
    Assises sur un rocher à lire de la poésie, au bord du torrent, à Saorge.
    Je t’embrasse!
    S

  2. Avatar de Alix
    Alix

    Si je puis me permettre, Angèle, un lien.
    J’ai découvert ce poète à titre posthume, en lisant le dernier ouvrage qui fut publié après son décès, La Mort à distance, et depuis, il ne me quitte plus… Peut-être a t-il trouvé, enfin, un lieu qui ne s’effondre pas, pour y faire halte…
    Merci…

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