Lorand Gaspar | Voici des mains

«  Poésie d’un jour  »



Le destin des couleurs en l-absence des yeux.
Ph., G.AdC







VOICI DES MAINS



Voici des mains
Pose-les dans une brève secousse de ton corps
avec un pot de basilic
et l’espace fouillé des oiseaux,
quand l’aube sur nos corps mouillés
les doigts sentent encore l’origan.

Dans ma bouche les mots crèvent de froid
Dans les grandes chambres inhabitées de ma voix
Le blond friable des collines
Personne ne sait
Le destin des couleurs en l’absence des yeux.

Tout s’arrête
décembre désert
les bras lourds.
La lumière se cherche sur nos mains
Et soudain tout est plume
On s’envole comme une neige à l’envers.

Je tiens ma vie comme
Un morceau de pain
Très fort
Les cent grammes du prisonnier de guerre
Et souvent j’ai si faim
Qu’à peine il en reste
Et les choses se colorent
De peurs merveilleuses.







Ἰδoύ τά χέρια



δoύ τά χέρια
Βάλε τα σ’ἓνα σύντομο τράνταγμα τοῦ κορμιοῦ σου
μέ μιά γλάστρα βασιλικό
καί τό διάστημα πού σκάβουν τά πουλιά,
ὅταν αὐγή στά νοτισμένα σώματα μας
τά δάχτυλα κρατοῦν άκόμη μυρωδιά ρίγανης.

Στό στόμα μου τά λόγια πεθαίνουν ἀπ’τό κρύο
Στίς μεγάλες κάμαρες τῆς φωνῆς μου τίς ἀκατοίκητες
Тό ψαφαρό ξανθό τῶν λόφων
Κανείς δέν ξέρει
Τή μοίρα τῶν χρωμάτων ὃταν λείπουν τά μάτια.

Ὃλα σταματοῦν
ἔρημος Δεκέμβρης
βαριά τά μπράτσα.
Τό φῶς πάνω στά χερια μας ἀπόζητά τόν έαμυτό του
Καί ξαφνιχά τά πάντα εῖναι φτερό
Пετάει χανείς άνάστροφα σάν τό χιόνι.

Κρατῶ τή ζωή μου ὠσαν
ἓνα χομμάτι ψωμί
Πολύ δυνατά
Τά ἑκατό γραμμαρια τοῦ αἰχμαλωτου
Συγνά τόσο πεινῶ
Пού μόλις ἓνα ψύχουλο ἀπομένει
Кαί τά πράγματα χρωματίζουναι
Ἀπό φόβους ἐξαίσιους.



Traduit en grec par Georges Séféris



Lorand Gaspar, Le Quatrième État de la matière (extraits), in Lorand Gaspar, éditions Le Temps qu’il fait, Cahier seize, sous la direction de Daniel Lançon, avril 2004, pp. 72-73.





LORAND GASPAR


Lorand Gaspar
Ph. Lorand Gaspar. Editions Jean-Michel Place
Source






■ Lorand Gaspar
sur Terres de femmes


[Le jour enflé de fatigue cherche nos failles] (extrait de Sol absolu)
Linaria
Lorand Gaspar| Depuis tant d’années…
James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde




■ Voir aussi ▼


→ (sur le site de l’IMEC)
une notice bio-bibliographique sur Lorand Gaspar



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Commentaires

  1. Avatar de Christiane
    Christiane

    De chaque côté du miroir, la source profonde de la langue poétique.
    Georges Seféris traduit du grec par… Lorand Gaspar – extrait de Piimata.
    « Sur un rayon d’hiver
    […] Il y a des années, tu avais dit :
    « Au fond je suis une question de lumière. »
    Et maintenant encore lorsque tu t’appuies
    aux larges épaules du sommeil
    ou lorsqu’on te plonge
    dans le sein engourdi de la mer
    tu fouilles les coins où le noir
    est usé et ne résiste pas.
    Tu cherches à tâtons la lance
    destinée à percer ton coeur
    pour l’ouvrir à la lumière. […] »
    Qu’eut répondu Lorand Gaspar ? Peut-être ces mots cueillis dans Monastère, écrit à Amorgos, dans les ténèbres de l’été :

    « Nous sommes les eaux de l’immobile voyage
    les faîtes et les creux du temps
    serrant la barre du cri sur le ventre – […]
    Et nos mots sont pareils à un bateau
    dans les glauques profondeurs de la mer

    Sur les algues emmêlées de nos voix
    glisse la paume paisible des eaux –

    L’écume avançait au faîte des visages,
    sur des grèves avivées de bonds de lumière
    et ta main chantante d’étés de semences,
    s’usa à force de creuser…. »

  2. Avatar de sylvie durbec
    sylvie durbec

    …les algues emmêlées de nos voix… les chambres inhabitées que la voix réinvente dans le silence de la poésie.
    Lire Lorand Gaspar, c’est revivre encore et encore l’expérience poétique du sens.
    Et ce silence que le poète évoque souvent rejoint pour moi le silence de l’eau et du ciel.
    SD

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