Caroline Sagot Duvauroux | [Je dissone]

« Poésie d’un jour »



Le rouge est ma couleur- celle du r-gne animal
Ph., G.AdC







[JE DISSONE]



Je dissone. Vous ignorez qu’outre mesure un chant
bat.

Je me délivre de l’étreinte nauséeuse du logos.
Le rouge est ma couleur, celle du règne animal, celle
de la vie par dévoration et par abomination. Je
tranche ma gorge sans revendiquer l’oiseau car
empoisonnée je le fus dès ma naissance par naître.
Que la langue des poètes protège encore un temps le
rouge-gorge. Je suis le clou dans l’être. Je suis
immunisée contre les sirènes, l’intelligence et autres
poisons. Rendez-moi la lune.
Je suis crapaud.


                                              piurie* de bouche ils ont pensé


Je suis le lieu sauvage où la femme a fui l’apocalypse.
Le dragon vomit le fleuve mais je m’ouvre et
l’engloutit. Alors le dragon s’attaque à sa
descendance et c’est vous.


             lui ont enfoncé le diable par les narines et l’anus


Je vous ai empêché d’inventer une idée de
vous-mêmes qui permette d’être paisible et heureux.
Vous êtes tourmentés et malheureux ? Vous
vous êtes laissé chasser par intérêt de la libre
puissance, comment pourriez-vous désirer un roi
qui soit plus qu’un objet ridicule et pathétique ?
Vous vous êtes retournés contre l’attrait héroïque
de la bonté avec venin. Vous guignez le pouvoir
de la médiocrité insensible et brutale. Baisez les
mains des vilains que vous consacrez.


C’est moi, médiocre, infernale, que vous possédez.
Une esclave !


            faut que ça sorte ils ont pensé du cul du vieil an
                                                                    comme pet d’agonie




Caroline Sagot Duvauroux, L’Herbe écrit in Le Vent chaule, José Corti, 2009, pp. 159-160.




* Note d’AP : Caroline Sagot Duvauroux écrit bien piurie et non pas pyurie.




LE VENT CHAULE C.SAGOT DUVAUROUX





CAROLINE SAGOT DUVAUROUX


Caroline Sagot Duvauroux 2




■ Caroline Sagot Duvauroux
sur Terres de femmes

[Baie](extrait de Canto rodado)
[Être serait-il le reflet d’une hypothèse… ?] (extrait de ’j)
L’eau puissante ? (extrait de Aa Journal d’un poème)
Le Buffre (lecture de Tristan Hordé)
Mais avant (extrait du Buffre)
Le Livre d’El d’où (lecture d’Angèle Paoli)
[La poésie ne traduit pas] (extrait du Livre d’El d’où)
→ (dans la galerie Visages de femmes)
Le silence serait-il l’enjeu de la parole ? (un autre extrait du Livre d’El d’où)
Une source (extrait d’Un bout du pré)
Le Vent chaule (lecture d’Angèle Paoli)



■ Voir aussi ▼

→ (sur remue.net)
« L’intime dehors » (une conversation du 23 août 2012 avec Caroline Sagot Duvauroux)
→ (sur Ta résonance)
Cacophonie vs. polyphonie ou la musicalité de tout dans l’œuvre poétique de Caroline Sagot Duvauroux (par Serge Ritman)


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Commentaires

  1. Avatar de Denise Le Dantec
    Denise Le Dantec

    remarquable ! c’est du Lautréamont contemporain !
    Bonsangnesauraitmentir

  2. Avatar de André Chenet

    Quelle rage splendide, je m’y retrouve!

  3. Avatar de Syl.S
    Syl.S

    Un saisissement, ce texte. De ces découvertes qui bousculent… Quant à la comparaison avec Lautréamont, l’auteur devrait la recevoir tant « il me semble bien que Les Chants de Maldoror sont ceux que nous n’avions jamais eus : l’Épopée de la Poésie. » (G. Robin)
    Merci pour ces instants de partage, Angèle.

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