Ana Marques Gastão | Bailarinas

« Poésie d’un jour »









Sempre desejei escrever um poema igual a esses olhos;
não consegui ― Janeiro, Fevereiro, Março, o texto afirma
e recorda a linha de contradição que é a nossa vida.
Um momento de Verão pode, afinal, vir no Inverno quando
o corpo se esquece do hábito e se solta como um soneto.
Olha para mim : estou gasta sem distinguir o desejo do acto,
necessitando não de irresolutos lamentos, mas de rir.
Somos a quê ? Mulheres recíprocas, mínimas e extensas,
escutando o tempo enquanto a carne se torna flácida.
Estamos num atalho entre obscuridades e fitamo-nos porque,
com mais ou menos peso, nos transformamos. Melhor ignorar
do que contemplar, pelo menos hoje; os sentimentos são mais
do que uma só coisa. Se corremos o risco de confundir dor
pessoal com o esquecimento da vida, esta amizade termina
em crepúsculo e todo o excesso se acumulará nos outros.

Eu, artífice da imaginação, deite-me na mansidão da pagina,
olhos fechados, lábios fingindo agilidade, o verso espraiando-se
na evocação de amor antigo. Tu, mais esquecida da tua natureza,
danças melhor, ave nítida, até ao limite de uma fantasia incontrolada.







BALLERINES



J’ai toujours désiré écrire un poème semblable à ces yeux ;
je n’y suis pas arrivée ― janvier, février, mars, le texte affirme
et rappelle la ligne de contradiction qu’est notre vie.
Un moment d’été peut, finalement, venir en hiver quand
le corps oublie l’habitude et se détache comme un sonnet.
Regarde-moi : je suis usée et ne distingue pas le désir de l’acte,
sans nécessité des plaintes irrésolues, mais des rires.
Que sommes-nous ? Des femmes réciproques, infimes et vastes,
qui écoutent le temps alors que leur chair devient flasque.
Nous voilà sur un sentier en pleine obscurité et nous nous regardons car,
avec plus ou moins de poids, nous nous transformons. Mieux vaut ignorer
que contempler, aujourd’hui du moins ; les sentiments sont bien plus
qu’une seule chose. Si nous courons le risque de confondre douleur
personnelle et oubli de la vie, cette amitié se termine
en crépuscule et tout l’excès s’accumulera chez les autres.

Moi, artisan de l’imagination, je me couche sur la douceur de la page,
les yeux fermés, les lèvres feignant l’agilité, le vers s’étalant
dans l’évocation d’un amour ancien. Toi, plus oublieuse de ta nature,
tu danses mieux, oiseau clair, jusqu’à la lumière d’une fantaisie incontrôlée.



Ana Marques Gastão, Noeuds (édition bilingue), éditions fédérop, 24680 Gardonne, 2007, pp. 97-98. Poèmes traduits du portugais par Catherine Dumas. 25 tableaux de Paula Rego. Ouvrage publié avec l’aide de la Fondation Calouste Gulbenkian.






Ana Marques





■ Voir aussi ▼

→ (sur le site des éditions fédérop)
la page consacrée à Noeuds d’Ana Marques Gastão (dont extraits de presse)
→ (sur Carnets de Poésie de Guess Who)
plusieurs poèmes d’Ana Marques Gastão extraits du même recueil (+ une bio-bibliographie)
→ (sur arlindo-correia)
une biographie (en portugais) sur Paula Rego
→ (sur Up Magazine)
une interview (vidéo en portugais) de Paula Rego par Maria João Veloso



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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    Ouh là, c’est difficile ce soir ! Coincée, je suis coincée, entre la toile de Paula Rego et le poème offert à cette toile par Ana Marques Gastão. Cette page, Angèle, me perturbe et j’adore cela ! Ce tableau me dérange. L’angle choisi fait que je me cogne à ces pieds si grands, puis à ces corps usés, cruellement croqués par cette admirable peintre et dessinatrice. Puis la pâte du tableau comme un châtiment, d’une violence et d’une douceur inouïes. Ah, Goya n’est pas loin !
    Pas de complaisance pour celle qui peint ni pour celle qui écrit. La « chair devient flasque, se transforme ». Elles savent, celle aux yeux fermés, fatiguée, celle qui fixe d’un regard dur et vide, la vie cabossée. L’écriture d’Ana Marques Gastão devient chair comprise, aimée, malgré ce désastre du temps dans les corps. Quelles solitudes, quelles souffrances exprimées avec ce réalisme qui devient tendresse. J’aime profondément cette lecture du corps féminin, ces noeuds de l’une à l’autre, cette intimité, cette vérité. On frôle le monstrueux, la hantise des fantasmes du mal-vieillir. Ah que c’est beau ! et ces mots :  » tu danses mieux, oiseau clair… ». Oui, s’alléger de l’engluement par le sourire de la tendresse. SUPERBE !

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