Serge Pey | Le poème est une oreille

« Poésie d’un jour »



Celle de la bouche - l-oil
Ph., G.AdC






LE POÈME EST UNE OREILLE



Le poème est une oreille
et non une bouche
car l’homme est né
d’une oreille qui voit
et toute oreille copie l’enfant
qui tourne dans le ventre d’une étoile
qui cherche le ciel qu’elle n’a pas

Seule la bouche capable de devenir une oreille
est une vraie bouche

Je parle
Tu parles
comme une étoile
Nous conjuguons la nuit

Le poème non né de l’oreille
n’a pas de mains dans les yeux
ne marche pas avec les pieds
arrache les langues
et bâillonne les bouches
fermées dans les baisers

Les cinq façons de marcher
celle du pied à la bouche
celle de l’oreille à l’œil
celle du pied à l’oreille
celle de la bouche à l’œil
celle du pied à l’œil
ne mènent pas toutes
au ventre de l’étoile

La gauche et la droite du feu
se rejoignent
dans la main épaisse du ciel
et retournent les oreilles
qui n’ont pas entendu




Serge Pey, La Main et le Couteau, 1997, in Arlette Albert-Birot | Serge Pey, La bouche est une oreille qui voit, Jean-Michel Place/Poésie, 2006, pp. 84-85.





SERGE  PEY


Serge Pey NB
Ph. D.R.
Source





■ Serge Pey
sur Terres de femmes

[Tes mains sont venues]




■ Voir aussi ▼

le site officiel de Serge Pey






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Commentaires

  1. Avatar de Martine

    Ainsi
    Le poète qui est sourd
    Compose-t-il avec son oreille
    Interne

  2. Avatar de Mahdia Benguesmia
    Mahdia Benguesmia

    Quel beau sens de ces mots tremblés où le mot naît dans la bouche, saute à l’oreille, s’assied dans le regard et, comme un petit prince tout neuf d’un Saint-Saint-Exupéry toujours extraordinairement moderne, tente de distraire son étoile avec des mots qui dépassent l’ambiguïté de la devinette.
    Ici, il n’y a pas de communication intelligente ordinaire avec le lecteur, car celui-ci est renvoyé de la réception par cette métamorphose ébouriffante du langage poétique, mais avec un sens transmué que la fascination du lecteur par ce mot qui frappe du pied aurait/pourrait développé/er.
    Baudelaire n’aurait-il pas omis de penser aux sens virtuels du corps humain qui fleurent l’odeur du mot ?!

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