Gaspara Stampa | [Oimè, le notti mie colme di gioia]

« Poésie d’un jour »



Se dégager du piège ensuite est impossible.
Ph., G.AdC






                                 LXXXIII



    Oimè, le notti mie colme di gioia,
i dì tranquilli, e la serena vita,
come mi tolse amara dipartita,
e converse il mio stato tutto in noia!
    E perché temo ancor (che più m’annoia)
che la memoria mia sia dipartita
da quel conte crudel, che m’ha ferita,
che mi resta altro omai, se non ch’io moia?
    E vo’ morir, ché rimirar d’altrui
quel che fu mio quest’occhi non potranno,
perché mirar non sanno altri che lui.
    Prendano essempio l’altre che verranno
a non mandar tant’oltre i disir sui,
che ritrar non si possan da l’inganno.







                                 LXXXIII




    Hélas ! où sont les nuits qui me comblaient de joie,
les jours tranquilles et ma sérénité ?
L’amertume du départ m’a dépouillée de tout,
mon état est changé entièrement en ennui.
    Et comme je crains encore (la pire des souffrances)
qu’à son tour ma mémoire n’abandonne celui
qui causa ma blessure, ce comte, ce cruel,
que me reste-t-il, sinon la mort ?
    Plutôt mourir d’ailleurs, car ces yeux ne pourront
chez d’autres contempler ce qui fut mien naguère :
ils ne peuvent admirer aucun autre que lui.
    Que mon exemple instruise les femmes qui me suivront ;
puissent-elles ne pas pousser aussi loin leurs désirs !
Se dégager du piège ensuite est impossible.




Gaspara Stampa, Rimes d’amour, Orphée/La Différence, 1992, pp. 48-49. Traduit de l’italien et présenté par Sophie Basch.





GASPARA STAMPA


Gaspara_stampa_1
Image, G.AdC



■ Gaspara Stampa
sur Terres de femmes

O beata e dolcissima novella (+ une notice biographique)
→ (dans la galerie Visages de femmes)
un autre poème de Gaspara Stampa



■ Voir aussi ▼

→ (sur Liber Liber)
Les Rimes d’amour (texte intégral en italien) [PDF]





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Commentaires

  1. Avatar de Martine

    Comme c’est déchirant, porté de surcroît par cette musique divine… Mais les désirs qui nous soumettent malgré nous-mêmes peuvent-ils se conformer à toute morale ? Un texte fort qui questionne sur l’emprise des sentiments. Merci, très chère Angèle.

  2. Avatar de Dominique Hasselmann

    Très bel accord entre ce texte (l’italien est une musique en soi) et la peinture reproduite.

  3. Avatar de Christiane
    Christiane

    Ce poème est si proche d’un rondel de Charles d’Orléans, comme une parole qui se transmet :
    « Ci pris, ci mis,
    Trop fort me lie
    Merencolie,
    De pis en pis. »
    (in Poésies publiées sur le manuscrit de la Bibliothèque de Grenoble par Aimé Champollion-Figeac en 1842 (Belin-Leprieur)

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