Andrée Chedid | La vieille mourante

« Poésie d’un jour »





Andr-e Chedid Une main est pourtant l- Qui recouvre la tienne
Image, G.AdC







LA VIEILLE MOURANTE



Coffrée dans ton lit-cage
Livrée aux mécaniques
Vieille       ô si vieille
La mort hésite à t’accueillir

Tête burlesque
Sous les vrilles des cheveux blancs
Un sirocco de rousseurs ensable ta peau
Des rides rapiècent tes joues
Ta bouche n’est qu’un puits

Tu happes l’air
Ton cœur perd substance
Ton horizon se détisse
Ta chair t’engloutit

Vieille ô si vieille
Où sont ceux qui t’aimaient ?
Ta route fut trop longue
La mort les a surpris
La vie les a rongés

Une main est pourtant là
Qui recouvre la tienne
Son toucher traverse
Tes brumes d’agonie

Une voix t’accompagne
Vers le lieu sans âge
Que le temps n’assiège plus
Laisse tomber tes défroques
Quitte en douceur l’enclos

Va à perte de vue
Rejoins l’ultime flotille
Qui cingle vers l’inconnu.




Andrée Chedid, Territoires du souffle, Éditions Flammarion, 1999, in Andrée Chedid, Au cœur du cœur, Poèmes choisis et préfacés par Matthieu Chedid et Jean-Pierre Siméon, Librio Poésie, 2009, pp. 90-91.





■ Andrée Chedid
sur Terres de femmes


La Table des poussières (poème extrait d’Épreuves du vivant)
L’Autre
Épreuves du langage
L’île
Les nuages
L’Œil
La source des mots
« Les traversées poétiques d’Andrée Chedid »
20 mars 1920 | Naissance d’Andrée Chedid (note de lecture sur Entre Nil et Seine)
le portrait d’Andrée Chedid dans la galerie Visages de femmes (+ un poème extrait de Territoires du souffle)






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Commentaires

  1. Avatar de KtyZen

    Juste magnifique. Bravo, Merci.

  2. Avatar de Guidu

    Angèle, souvenez-vous, ma grand mère était une « Pleureuse »…
    Amicizia
    Guidu___

  3. Avatar de christiane
    christiane

    On reconnaît l’arbre à ses fruits, dit-on… Un moment émouvant en écoutant son petit-fils, Mathieu Chedid « M » (dont Andrée Chedid fut la parolière de plusieurs chansons). A partir du repère 11:11, il l’évoque et évoque sa famille, sa « tribu » et la poésie. C’est subtil et beau…
    Elle écrivit cette longue semaison dans Fraternité de la Parole :
     » Craquant ses carapaces […] la femme des longues patiences/ se donne lentement le jour » (12) et c’est pour elle après tant de semailles le temps où le blé lève…
    « Le rêve de l’homme existe/Promet la saison du rire et des herbes/[…]/La danse de l’homme existe/naîtra de lèvres en lèvres/Pour que cesse l’attente. » (Seconde vie d’Icare, 87)

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